2024
Cairn
Flore Pavy, « Le Mas des gwoup-a-po dans le carnaval guadeloupéen : une pratique de résistance ? », Terrains & travaux, ID : 10670/1.ad1a7b...
C’est dans le cadre d’un rapport de force d’ordre politique que le carnaval guadeloupéen, qui était sur le déclin, est réinvesti à la fin des années 1970. Face à des dissidents qui appellent pour la première fois à manifester pendant les Jours gras, les institutions régionales commencent, quant à elles, à travailler à la construction d’un carnaval économiquement rentable et politiquement inoffensif, offrant aux touristes le spectacle d’une Guadeloupe unie. En réaction à ce qui est perçu comme la confiscation d’une culture populaire, représentée surtout par les anciens gwoup-a-mas (groupes de masques), dont les derniers représentants sont en train de disparaître, de petits groupes se forment pour tenter de sauvegarder et redynamiser certaines pratiques associées au carnaval du peuple guadeloupéen, mais aussi aux anciennes fêtes serviles et à leur potentiel subversif, toujours étroitement encadrées : les gwoup-a-po. Cet article repose sur une enquête ethnographique en immersion de deux ans dans l’un de ces groupes, Voukoum, et sur de nombreux entretiens menés en créole. Il propose de montrer comment le rituel propre aux gwoup-a-po – le Mas –, qui est d’abord l’expression d’une résistance contre la disparition de pratiques culturelles ouvrières, se construit progressivement à travers le récit de la réitération rituelle d’une forme de résistance quotidienne de leurs ancêtres réduits en esclavage.