2024
Cairn
Stéphanie Soubrier, « Quand l’empire prend le large : les boys à bord des paquebots des Messageries Maritimes (1851-années 1930) », Revue d’histoire du XIXe siècle, ID : 10670/1.ae5o4l
Dans la deuxième moitié du xixe siècle, l’ouverture du canal de Suez et le perfectionnement de la navigation à vapeur bouleversent les conditions du voyage en mer, seul moyen de relier les métropoles européennes et les territoires coloniaux. À partir des archives de la compagnie des Messageries Maritimes, première grande compagnie française de navigation à vapeur, cet article se propose d’étudier une catégorie de travailleurs masculins essentiels au fonctionnement de paquebots qui deviennent des hôtels flottants de luxe : les « boys ». Recrutés dans les colonies françaises, les « boys » sont chargés à bord des tâches subalternes de service. Les archives des Messageries Maritimes permettent de retracer les expériences de ces acteurs majeurs – et pourtant oubliés – de la mondialisation. Cet article envisage les paquebots comme des microcosmes impériaux qui permettent d’observer la construction de masculinités distinctes, à la frontière de la race, du genre et de la classe, masculinités qui entretiennent entre elles des relations de domination et de concurrence. Il décrit les processus conjoints de racialisation, de féminisation et de déqualification du travail des « boys », travailleurs subalternes par excellence, dévirilisés et infantilisés par le personnel et les passagers européens. Enfin, il rend compte de la manière dont ces travailleurs utilisent la mobilité géographique inhérente à leur métier pour atteindre divers objectifs économiques et professionnels. Les stratégies des « boys », que les Messageries Maritimes et les autorités françaises tentent d’enrayer, constituent autant de manières de contester la domination européenne et de réaffirmer une forme de masculinité qui leur est généralement refusée par leurs employeurs et leurs collègues.