10 décembre 2021
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Caroline Minard, « La littérature à l'intestin : le thème scatologique dans l'oeuvre de Richard Millet. », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.ae7acd...
Le thème scatologique traverse l'oeuvre de Richard Millet. Depuis son premier roman, "L'invention du corps de saint Marc" (1983), qui mettait en scène la déchéance physique d'un jeune homme jusqu'à son essai le plus récent, "Paris bas-ventre : le R.E.R. comme principe évacuateur du peuple français" (2021), dans lequel il explore les entrailles souterraines de la capitale, l'écrivain n'a cessé de puiser dans la matière vile des excréments afin d'y découvrir une vérité sur l'homme et sur notre monde. Ce travail de recherche propose d'abord d'étudier les origines de cette obsession scatologique en revenant sur ses sources autobiographiques et littéraires. Il vise également à identifier les portées symboliques de ce thème. Marque d'infamie, source de marginalité et d'isolement, allégorie du mal et du temps qui passe, l'excrément apparaît d'abord comme un élément mortifère attirant les êtres vers le gouffre et conduisant les peuples à leur disparition. Il confère souvent des accents gnostiques ou réactionnaires à un discours tout entier dirigé vers la déploration d'une agonie : mort de tout homme, effondrement du monde rural de l'enfance, déchéance de la littérature française. L'expérience humiliante de la diarrhée découvre toutefois son versant lumineux lorsqu'elle apparaît comme un moyen de "sortir de soi". L'excrétion devient alors une force créatrice, une forme paradoxale d'extase mystique permettant à l'écrivain et à ses doubles d'aller à la rencontre de l'autre, de Dieu et de la langue. Cette thèse explore donc la façon dont la scatologie apparaît tour à tour, chez Richard Millet, comme un révélateur psychologique, un matériau sociologique ou légendaire, un objet métaphysique, une arme politique, ou encore un principe stylistique.