2013
Cairn
Brigitte Lalvée, « La manie sublime de Robert Schumann », Figures de la psychanalyse, ID : 10670/1.ao31dw
Le Carnaval princeps, signature musicale de Schumann sous les noms et les notes d’Eusebius et Florestan, met en œuvre, entre fête des doubles (carnaval musical) et « fête du moi » (doublure mythique du Davidsbund littéraire, masque mais aussi arme du combat critique militant), une manie bien tempérée, par le recours à l’humour, qui regagne sur l’humeur noire l’humeur enjouée de l’enfance, et par le jeu entre les lettres et les notes. Cette dialectique souple, de réversibilité et de continuité dans la discontinuité, permet de créer une forme nouvelle. Le Carnaval contient en son centre son énigme que le compositeur-Œdipe se forge sur mesure, avec les Sphinxes, rébus de lettres-notes qui lui permet de résoudre son conflit et donne la clé à la fois musicale et autobiographique de l’œuvre. L’objet perdu-non perdu de la mélancolie, la voix, se révèle alors être autant la voix incorporée surmoïque transfigurée par la métaphore de l’amour vivifiant les lettres de ses notes (« Urthemas de Clara »), que l’ innere Stimme extime, présente-absente, qui sait se faire entendre aus der Ferne, « comme venue de loin » – que ne soutiennent plus que les seules notes. Elle préfigure peut-être la voix des hallucinations finales, ainsi que l’appel de mort qui précipite Schumann dans les eaux du Rhin à l’instar de la sœur noyée, comme pour s’immerger tout entier et définitivement dans ce remède dans le mal autant que mal dans le remède que fut pour lui la musique.