2011
Cairn
Nicolas Cochard, « Les « bouchons gras » dans la ville. Les personnels des machines de navire à vapeur au Havre au XIXe siècle », Annales de Normandie, ID : 10670/1.atlrrc
Au Havre, tout au long du xixe siècle, les activités maritimes ont connu d’amples mutations qui ont reconfiguré le paysage socio-professionnel de la ville-port et l’identité d’une agglomération devenue un lieu nodal d’échelle mondiale. La modernisation de la navigation est passée par l’introduction de nouvelles professions liées au fonctionnement des machines à vapeur alimentées au charbon (mécaniciens, graisseurs, chauffeurs, soutiers). Alors que la ségrégation spatiale et professionnelle entre personnel du pont et personnel de la machine était la règle à bord des navires, il est intéressant de mesurer l’impact de cette reconfiguration des mondes de la mer à terre, dans l’espace et la société urbaine havrais de 1830 à 1914. Les hommes des machines, ayant obtenu le statut d’« inscrits maritimes » en 1857, ont gardé jusqu’à la fin du xixe siècle des particularités les distinguant de l’ensemble des marins habitant la ville : des pathologies spécifiques, une origine géographique et sociale plus « terrienne », une sociabilité propre. Mais ces particularités ne les ont pas empêchés de se fondre dans le groupe des « gens de mer » dont ils ont revendiqué l’identité. Ils en ont partagé les comportements en matière de logement et les pratiques matrimoniales. Néanmoins, en raison de la nature de leurs métiers, ces « bouchons gras » et autres « pieds noirs » ont, particulièrement à la faveur des mouvements de grève dont ils ont été le fer de lance à la Belle Époque, contribué à jeter des ponts entre le monde des travailleurs la mer et celui des autres travailleurs manuels de la ville-port. Ils ont donc apporté leur pierre à la construction d’une identité maritimo-ouvrière havraise.