5 décembre 2024
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Isabelle Hostein, « Evolution morphologique et sociale de Paris, 1780-1830 : les biens nationaux appropriés par les artistes des "Beaux-arts" », Theses.fr, ID : 10670/1.b0b316...
Le demi siècle allant des années 1780 aux années 1830 est une période cruciale dans l’histoire de Paris, marquée par la rupture de la Révolution. Quelle mesure peut-on faire de cette rupture dès lors qu’on se penche sur la structure morphologique de la ville ? En suivant l’évolution matérielle de l’espace parisien, à l’aune des grands programmes d’embellissement et des projets privés jusque vers 1830 (où Paris est ravagée par le choléra), nous voudrions jeter un regard nouveau sur l’ampleur des bouleversements urbains, à l’aune d’une catégorie professionnelle spécifique, souvent oubliée, celle des artistes officiels dits des « Beaux-arts ». Porte d’entrée vers la stratigraphie des habitats, dans le Paris de cette époque, les artistes des « Beaux-arts » ont été réunis dans une base de données de 13 900 adresses de 5 000 artistes, complétée d’une carte effectuée dans Qgis (SIG) permettant de les situer. C’est ainsi qu’une deuxième catégorie émerge à partir de ce corpus social, celle des biens nationaux, c’est-à-dire les propriétés confisquées à la Couronne, au clergé et aux émigrés, aux condamnés. Ces lieux, dont beaucoup d’anciens couvents, accueillent en effet un large déploiement d’activités artistiques, mais aussi entrepreneuriales, voire récréatives, liées aux Beaux-arts. Il apparaît ainsi que le tissu patrimonial parisien est indéniablement modifié par une politique spécifique initiée par les gouvernements révolutionnaires, mais aussi par les initiatives privées qui s’approprient ce patrimoine immobilier rendu disponible. L’analyse s’est ici centrée sur deux espaces particulièrement représentatifs de cette double politique publique/privée : l’îlot du couvent des Capucines, rive droite et la rue du Bac, rive gauche. Il est ainsi apparu que, contre toute attente, l’aliénation des biens nationaux n’est pas systématique ; les pouvoirs publics mobilisent leur attention sur les réaffectations (dont les réattributions de logement), les locations et sous-locations animant souvent l’ancien bâti. Après la chute de Robespierre, les sous-locations s’intensifient au point d’être intégrées dans le Code civil de 1804 ; dix ans plus tard elles sont également inscrites dans la Charte constitutionnelle de 1814, et perdureront jusqu’après la Première Guerre mondiale.Les vagues de confiscations et d’évaluations des biens nationaux, en vue de leur cession, sont donc à mettre en regard avec une politique d’aménagement, souvent ancienne et héritée du régime monarchique. Si l’État et le Département vendent des propriétés saisies, ce n’est qu’à partir du Directoire et ce jusqu’à la fin de l’Empire que la majorité des ventes intervient, allant en s’intensifiant. C’est tardivement, également, que les percements de nouvelles rues prévues sont finalisés. Par ailleurs, ce patrimoine parisien saisi n’étant pas intégralement aliéné ou démoli, on peut mettre en lumière l’importance de pratiques sociales et professionnelles telles qu’elles fleurissent au sein de ce Domaine public, où les artistes tiennent toute leur place, et perpétuent aussi une présence souvent antérieure à la Révolution. C’est pourquoi, au fil de toutes ces pratiques et diverses transactions immobilières (ventes, reventes, échanges, divisions, etc.), on observe que nombre de projets ont permis la préservation du bâti ancien inscrit dans les biens nationaux, et relativisent par ce biais la vision d’un renversement architectural et social occasionné par la période. Cette permanence du bâti et de certains éléments structurels est encore perceptible aujourd’hui.