28 avril 2025
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Luc Rouban, « La désillusion politique », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.b2f98f...
L'un des résultats les plus significatifs de la 16 ème vague du Baromètre de la confiance politique est la volonté exprimée par de nombreux enquêtés de mettre à distance la vie politique ordinaire et de considérer l'insignifiance de la démocratie représentative et des joutes électorales. La nouveauté, cependant, ne tient pas au fait qu'ils se désintéressent de la politique, ce qui est le propre des abstentionnistes, mais qu'ils considèrent qu'elle est devenue impuissante dans l'état où elle se trouve aujourd'hui. Même s'ils votent, nombre d'enquêtés ne croient plus trop aux solutions politiques. L'enquête révèle l'amorce d'un tournant dans le rapport au politique, au-delà même de la relation de confiance que l'on peut entretenir avec le personnel ou les institutions politiques. C'est ce que l'on peut appeler la désillusion politique alors que Jacques Ellul nous parlait dans les années 1970 de l'illusion politique 1 face aux évolutions scientifiques et technologiques. Il dénonçait le fait que la vie politique courait derrière l'évolution du monde cherchant à la faire accepter par le plus grand nombre ou s'ingéniant à élaborer des utopies de changements profonds sinon révolutionnaires qui s'avéraient très vite impraticables. Encore faut-il souligner que ces illusions se répandaient à une époque où les entrepreneurs politiques prospéraient à droite comme à gauche, où l'on croyait encore au changement politique radical, qu'il soit libéral ou socialiste. Mais il n'est plus question d'illusion dans le contexte créé par la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024 et la nomination du gouvernement Bayrou, après l'éphémère gouvernement Barnier, dont seule une minorité d'enquêtés considèrent qu'il est légitime 2 . C'est bien la désillusion qui gagne du terrain, une relégation du politique à une activité seconde sans grande portée réelle. C'est la mesure de cette désillusion que l'on peut tenter de prendre à travers trois registres critiques. Le premier est celui de l'impuissance électorale. Le second est celui de l'impotence gouvernementale. Le troisième est celui du désir de se libérer du politique qu'exprime une majorité d'enquêtés.