2016
Cairn
Éric Letonturier, « L’utopie ou le règlement de tous les sens », Hermès, La Revue, ID : 10670/1.b307df...
Le présent article s’attachera à retrouver et à expliquer la place marginale sinon nulle laissée aux sens en utopie dans les conditions et caractéristiques générales qui en fixent le genre. Produit phare de l’humanisme, l’utopie renonce pourtant aux valeurs du programme de ce dernier et à ses intentions de réhabiliter l’homme dans la complétude de sa définition. La société civilisée qu’elle avance en privilégiant la vue et l’ouïe, sert avant tout un esprit de raison qui emporte finalement l’ensemble dans la mesure, le contrôle et la surveillance. L’utopie devient ainsi un camp d’entraînement à l’exercice et au gouvernement de soi, un lieu d’apprentissage de l’ordre, tendu vers un idéal de perfection sociale et de vie supérieure. Pliant sous cette implacable mécanique sociale, l’homme, diminué car vidé de toute substance sensible, devient alors machine, bien avant que la science-fiction, qui renouvellera le genre utopique, n’ouvre l’ère menaçante des robots et des humains prétendument augmentés.