4 juin 2019
info:eu-repo/semantics/OpenAccess
Ariane Degroote, « Le projet de Salagnac : quelle contribution au développement de l’agriculture locale et quels enseignements de portée générale ? », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.b826f0...
Depuis le milieu du 20ème siècle, l’agriculture haïtienne a fait l’objet de nombreuses interventions nationales et internationales visant à soutenir son développement et contribuer à la sécurité alimentaire du pays. Différents projets ont été mis en œuvre mais beaucoup n’ont eu qu’un résultat limité, lié au manque de compréhension des problèmes rencontrés par les paysans et au décalage des techniques préconisées.En rupture avec ce type d’intervention, le projet de Salagnac, conduit depuis 1973 dans une petite région agricole du sud du pays, a cherché à mettre en œuvre une démarche qui articulait la recherche, la formation et le développement, en étroite collaboration avec les agriculteurs de la région et avec l’appui de nombreux chercheurs et agronomes. Ce projet a permis la mise en œuvre d’un ensemble cohérent d’interventions - petite hydraulique, micro-crédit, infrastructures de transport, appui aux productions végétales et animales – à l’origine du développement spectaculaire de la région, basé sur l’essor des cultures maraîchères destinées aux marchés de la capitale. Plus de trente ans après ses débuts, le projet de Salagnac continue de porter ses fruits.A l’heure où la réussite de ce projet est mise en avant par le gouvernement, ce travail de recherche propose de comprendre les transformations de l’agriculture qu’a permis ce projet et d’en évaluer les effets afin de mesurer ses impacts sur le revenu des différentes catégories d’agriculteurs et leur évolution, les inégalités sociales et l’environnement. L’évaluation repose sur la mesure du différentiel entre le scénario avec projet et celui qui aurait prévalu en son absence, construit grâce à une démarche comparative à partir d’autres régions montagneuses du pays. Cette recherche a été réalisée sur la base d’un travail de terrain minutieux comprenant la lecture de paysage et la conduite de cent cinquante entretiens approfondis auprès d’agriculteurs âgés et en activité.Dans le contexte de libéralisation économique des années 1980, les agriculteurs ayant démarré la culture rémunératrice de chou primeur grâce au projet ont été incités à tirer parti de cet avantage comparatif en se spécialisant dans le maraichage. Cette spécialisation a cependant manifesté ses limites économiques et environnementales dans les années 2000, dans un contexte macro-économique défavorable.Le développement de ces cultures à forte valeur ajoutée, qui s’est accompagné de l’accroissement de la demande en travail journalier mieux rémunéré que dans le reste du pays, a permis d’augmenter le revenu de l’ensemble des agriculteurs, y compris pour les plus modestes d’entre eux qui ont pu ainsi poursuivre leur activité agricole, de maintenir un tissu rural dynamique et d’améliorer les conditions de vie dans la région. Il a néanmoins reposé sur une forte intégration aux échanges marchands qui a rendu ces exploitations particulièrement vulnérables à la volatilité des prix agricoles mondiaux. La compréhension des conditions à l’origine de la réussite et la pérennisation du projet de Salagnac met en lumière celles nécessaires à réunir pour reproduire ce type de démarche dans d’autres régions du pays et contribue, de manière plus générale, à enrichir la réflexion sur les modalités d’interventions en matière de développement agricole en Haïti.