17 mars 2022
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Julien Rebotier, « Horizons critiques et réflexifs pour une géographie des risques et de l'environnement: Des liens qui libèrent? », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.bbvvh1
Ce mémoire d’HDR revient sur une trajectoire de recherche consacrée aux risques et à la géographie des risques et de l’environnement dans une perspective sociale et politique. Les réflexions sont pour l’essentiel tirées de terrains latino-américains et d’une circulation intellectuelle triangulaire reliant les Amériques (nord et sud) et l’Europe. Mais elles dialoguent également avec des débats et expériences plus larges, et s’inscrivent au sein d’une science globalisée où se pose l’enjeu de l’intégration de connaissances plurielles. La question initiale du mémoire réside dans le paradoxe apparent entre les multiples efforts de production de connaissance scientifique comme de gestion des risques d’un côté, et de l’autre leurs résultats prétendus décevants au regard des bilans de dommages. Pourtant, les efforts de connaissance comme de gestion ne sont pas sans effets, aussi décevants puissent-ils paraître en première lecture. Que serait un monde sans politiques de prévention des désastres ? Que tirer de la diversité des connaissances produites sur les risques depuis le milieu du 20ème siècle ? Comment capitaliser ? Ce mémoire s’emploie à démontrer l’intérêt d’une forme de récursivité permanente de la recherche, une recherche informée par ce qu’elle suscite comme par les conditions de son exercice, tant ces effets de contexte pèsent sur le dessin, les caractéristiques, et la portée des connaissances produites. Il dresse un état des lieux, identifie des limites et obstacles à la production de connaissances, avant d’explorer de nouveaux horizons de travail plus intégrés. La partie 1 développe une démarche plus contextuelle. Présentée dans le chapitre 1, l’approche territoriale des risques (ou ATR) est fondée sur le territoire. Elle inscrit la genèse des risques, de leur étude et de leur gestion, dans des dynamiques de peuplement en les articulant aux spatialités (matérielles comme immatérielles) des sociétés, dont les dynamiques du milieu sont évidemment comptables. L’ATR renoue avec un exercice de géographie générale, autour de la connaissance des territoires, et se traduit à l’occasion du chapitre 2 par une compréhension plus largement sociale et politique de l’environnement. Le chapitre 3 revient sur le bilan de ces explorations méthodologiques et épistémologiques. La réflexivité de ce chapitre, à l’image de l’ensemble de la démonstration, amène à considérer la diversité des obstacles à une plus grande intégration à la fois des connaissances scientifiques, et des connaissances avec la gestion. La partie 2 consiste à documenter des limites de la connaissance (chapitre 4) mais aussi de l’action (chapitre 5) dont on peut penser qu’elles contribuent à alimenter l’image d’un paradoxe apparent entre d’importants efforts de connaissance et les résultats (notamment en matière de prévention et de dommages). La mise à plat de limites de la connaissance des risques (heuristiques, épistémiques, méthodologiques, sociologiques) comme de l’action (liées aux conditions matérielles de la gestion, aux aspects règlementaires mais aussi institutionnels, aux lobbies et groupes d’intérêts, à différentes échelles intriquées) montre que nombre de ces limites ne sont pas réductibles. Elles s’avèrent au contraire constitutives des situations de risque. Certaines limites de la connaissance sont d’ordre heuristique. Elles dépendent des dispositifs de connaissance. D’autres limites ont plus trait aux conditions sociales de production de la recherche et des connaissances. Ce mémoire d’HDR se penche plutôt sur une sortie à offrir à ce 2ème registre de limites. C’est l’objet de la partie 3.Dans la dernière partie, le chapitre 6 propose de reconsidérer les limites évoquées non pas comme des impasses, mais plutôt comme des conditions de la connaissance comme de l’action. Plus que des marqueurs d’un partage (une séparation entre ce qu’il est possible ou non de connaître ou de faire), les limites ainsi envisagées opèrent comme des horizons en partage, des confins partagés de la connaissance et de l’action. Les horizons ne sont jamais atteints, et se recomposent en permanence, ouvrant la voie à un dialogue critique et réflexif vers une interdisciplinarité, pour la connaissance, qui ne soit pas de façade. Le chapitre 7, comme une tentative audacieuse, explore enfin les possibilités d’un horizon éthique pris à bras le corps pour une recherche sur les risques et l’environnement. Tant au titre de la pratique de la recherche que pour sa portée, l’éthique de la recherche connaît actuellement des ajustements ponctuels ou plus systémiques, et même règlementaires, qui ouvrent la voie à une plus grande prise en compte des contextes de la recherche. On retrouve le soin qu’attache l’ATR aux conditions sociales de la production et de la valorisation possible des connaissances scientifiques. A travers l’exploration d’un horizon éthique prometteur, ce mémoire d’HDR se clôt en soulignant les vertus d’une recherche fondamentalement réflexive, qui articule étroitement à la production des connaissances et à leur portée sociale des effets de contexte jusque-là peu explicités sinon de manière accessoire. La recherche sur les risques et l’environnement gagne d’autant plus à expliciter les circulations qui la relient aux mondes dans lesquels elle est ancrée que ces mondes témoignent d’un soin, sinon d’un souci particulier apporté à ces thématiques.