9 octobre 2023
HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société - notices sans texte intégral
Yolande Maury, « Marcher, rencontrer des choses, bricoler des objets et des matériaux, être avec l'information. Quelques expériences dans le champ de la culture informationnelle », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société - notices sans texte intégral, ID : 10670/1.bf86f7...
Cet article explore le potentiel d'une éducation expérientielle pour les élèves dans le domaine de la culture informationnelle. Plus précisément, il étudie les expériences utilisant l'information à des fins d'apprentissage et d'acquisition de connaissances, avec un focus sur la matérialité et les dimensions sensorielles/sensibles de ces expériences : en accordant une égale attention aux choses, aux objets, aux matériaux et aux expériences sensorielles (Thrift, 2008 ; Savolainen, 2020). Dans cette perspective, l'information est comprise au sens large, comprise comme "relative au fait de s'informer" : une chose est information si elle est informative (Buckland, 1991). L'idée étant que les étudiants ne sont pas des êtres cognitifs désincarnés (Bruner, 1986, p. 5), ce sont des êtres actifs qui apprennent par l'action et les expériences (Dewey, 1925), des agents actifs dans le processus historique de construction de leur propre monde (Bruner, 1986) ; et que dans ce processus, le corps a un rôle actif, productif et sensuel, tout au long des activités d'information : chaque objet, chaque matériau constitue un chemin vers la connaissance, chaque geste exprime un devenir au service de sa construction (Ingold, 2018). L'expérience de terrain est inductive, elle est à la fois un voyage de découverte du monde et de découverte de soi. Dans cette optique, renvoyant à un soi actif, articulant le sensible et le social (Laplantine, 2009), l'expérience est créatrice. De l'expérience primaire, dans sa version subjective, une manière d'expérimenter le monde, à l'expérience secondaire, plus réflexive, qui la clarifie en l'organisant, l'expérience est formatrice et transformatrice ; elle participe à la création de connaissances utiles (Dewey, 1925). La connaissance se construit ainsi dans le flux des expériences, avec des phases d'autoréflexion et de distanciation ; ce n'est pas un processus linéaire et mécanique. La culture - comme la culture de l'information en tant que "culture" - est vivante, sensible au contexte et émergente (Bruner, 1986). Nous proposons d'étudier et de questionner ici ces différentes relations aux matériaux, aux objets et à l'information, impliquées dans le processus d'apprentissage et la construction des connaissances, en considérant comment les connaissances sont informées par l'expérience, mettant le corps et l'esprit en alerte dans un même mouvement. Et nous proposons de mener cette investigation et ce questionnement dans une perspective anthropo-sociale, en nous intéressant aux dynamiques qui émergent, prêtant attention à l'ordinaire, au banal, mais aussi à l'inattendu ou à l'événement, à ce qui " arrive et devient " (Laplantine, 2022).Les données empiriques qui alimentent cet article sont issues d'un projet de recherche en contexte scolaire, toujours en cours dans sa partie qualitative (2019 ; 2020 ; 2021). Il s'agit de données ethnographiques, recueillies sur la durée, en immersion, au plus près des acteurs, sans grille a priori (qui orienterait vers un système interprétatif), mais avec une exigence de globalité (observations riches, entretiens, conversations informelles, documents divers, photographies). En cohérence avec cette approche, les références à un univers interprétatif restent ouvertes : fonctionnant comme des points de départ, des leviers théoriques (vs. cadre), elles forment un espace ouvert à la réflexion, à l'intuition et à la mise au jour de significations. Pour cet article, nous nous centrons sur trois projets observés dans des écoles secondaires, visant à ouvrir l'école sur le monde, au-delà de l'espace scolaire, et dans lesquels les dimensions sensibles/sensorielles jouent un rôle important (la marche, comme parcours apprenant ; une production créative utilisant les cinq sens ; des activités de bricolage/fabrication dans les fablabs/bibliothèques). Le passage par le matériel, le sensible, le sensoriel est d'un grand potentiel heuristique dans la construction de la connaissance et de la culture.