5 avril 2024
Anne-Christine Royère, « "Pierre Lecuire, poète du livre" », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.bg4dkj
Pierre Lecuire se plaît à rapprocher ses productions éditoriales de celles du poète-éditeur Iliazd. Leurs pratiques diffèrent pourtant de bien des manières : alors qu’Iliazd a une formation de typographe et inscrit pleinement ses productions dans l’esthétique futuriste, Lecuire est un poète metteur en pages qui se tient éloigné du milieu littéraire de son temps, notamment de la NRF et des artistes qu’elle plébiscite. Si la rencontre avec Nicolas de Staël en 1945 et le travail à ses côtés jusqu’au suicide du peintre en 1955 façonne celui qui est alors à la recherche d’une forme d’expression personnelle, sa production éditoriale s’infléchit considérablement lorsqu’il renoue le dialogue avec les peintres à partir de 1958. Il revendique alors l’auctorialité du livre et du texte, affirmant faire des « livres de poète » avec des peintres, sculpteurs ou graveurs, et accompagne cette forme singulière d’autoédition d’une glose abondante sur les rapports du poème et du livre, sous l’égide de Mallarmé et de Claudel, notamment.Nous faisons ici l’hypothèse que Pierre Lecuire fait peut-être moins des « livres de poète » qu’il n’est un « poète du livre », étant donné que sa pratique du poème est avant tout une théurgie du livre, que ses mises en livre reposent sur la spécularité des éléments matériels du livre et du poème et, enfin, que sa poétique de « metteur en pages » consiste essentiellement à créer un « espacement de la lecture », selon la formule mallarméenne.