2013
info:eu-repo/semantics/OpenAccess
Aurore Noirault, « La parole emmurée », Dépôt Universitaire de Mémoires Après Soutenance, ID : 10670/1.bkwdj6
Antigone est sans nul doute l'une des pièces de Sophocle qui soulève le plus de problèmes : elle est l'une des rares tragédies à mettre en scène une jeune femme qui va oser s'opposer aux lois de sa cité et à son tyran pour respecter les lois divines et enterrer son frère. Elle s'oppose à tous en paroles et en actes. Elle se heurte contre la tyrannie et subit le châtiment le plus cruel : la mort. Sa parole, que personne n'aura entendue dans la pièce, résonne comme un écho étrange lorsque apparaît sur scène Créon portant le corps de son fils. Le chœur délivre alors la morale finale : les orgueilleux et les impies sont toujours punis. Le logos échoue tout au long de la pièce : les personnages ne s'écoutent pas, ne se comprennent plus. Chacun use d'une parole qui lui est propre sans pouvoir comprendre celle de l'autre. La parole est souvent accompagnée d'actes : Antigone enterre bel et bien Polynice ; parfois, les actes manquent et les personnages le reprochent à ceux qui n'agissent pas. Si les actes et les mots ne conviennent plus, alors certains crient pendant que d'autres choisissent le silence. Mais qu'importe leur choix, s'ils arrivent à choisir (le chœur est incapable de le faire), la parole est impuissante, chacun s'entête et s'isole, et le drame est inévitable. La composition de Sophocle est précise, la symétrie entre Créon et Antigone est effroyable mais parfaite. Cette tragédie pose bon nombre de questions, mais toutes ces interrogations sont soulevées à travers le prisme de la parole. Le drame final n'est dû qu'à une incompréhension entre les deux caractères forts d'Antigone et de Créon. Cette pièce de Sophocle est sans nul doute la tragédie de l'incommunicabilité.