2011
Cairn
Jean-Michel Rey, « Histoires de famille », Romantisme, ID : 10670/1.bt0ab9
Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas et Les Buddenbrook de Thomas Mann ont en commun d’aborder les problèmes relatifs au crédit dans l’optique d’une simple histoire de famille. Dans les deux cas, une part essentielle de l’intrigue est le mouvement d’une chute qui a pour raison d’être la duplicité d’un individu à l’endroit du cercle de famille, la chose étant longtemps dissimulée. La réussite sociale et financière d’un personnage se double d’une défaillance spectaculaire. La famille apparaît ici comme un condensé de la société entière ; et le mouvement de déclin affecte aussi bien les valeurs financières que les valeurs morales. Les avatars de l’argent sont multiples, imprévisibles, ce qu’on sait depuis la Banqueroute de Law en 1720. L’analyse proposée par les romans est à chaque fois d’une grande précision, à la hauteur de ce que disent les traités d’économie du moment, le jeune Marx par exemple. On y trouve notamment une réflexion importante sur la nécessité de la garantie dans la perspective du crédit, et sur sa fragilité constitutive, sa quasi-impossibilité. On formule à la fin l’hypothèse suivante : les romans dans lesquels le crédit intervient sous un angle familial, ou simplement intime, s’accompagnent, sur un mode direct ou non, d’une théorie du roman, le plus souvent esquissée. L’exemple par excellence étant The Confidence-Man de Melville. L’espace du roman est sans aucun doute celui qui est le plus accueillant pour comprendre cette chose nouvelle au XIXe siècle que sont les principales opérations du crédit.