Se taire, donner de la voix ou partir ? Ethnographie d’un programme socioculturel argentin en contexte d’austérité

Résumé Fr

Cet article propose une réflexion sur les effets de « l’extrême austérité budgétaire » instaurée en Argentine par le gouvernement Macri (2015-19) en s’appuyant sur l’analyse des trajectoires biographiques de l’équipe d’un programme socioculturel du ministère de la Culture. Le matériau mobilisé est issu d’une observation participante réalisée en 2017. Ce programme est particulièrement représentatif de la « philosophie d’action » de l’inclusion sociale, c’est-à-dire l’objectif central de la politique culturelle menée en Argentine à partir de l’élection de N. Kirchner en 2003 et jusqu’à la fin du second mandat de C. Fernández en 2015. Si notre analyse se centre sur le programme Puntos de Cultura (PdC), c’est également parce qu’il s’est trouvé en profond décalage avec les objectifs centraux de la politique culturelle de Macri, mais n’a pas été supprimé (à la différence de nombreux autres), même après la drastique coupe budgétaire en 2017 et la cure d’austérité à partir de 2018, et cela grâce aux actions de certains membres de l’équipe du programme PdC. Comment interpréter l’action de celles et ceux qui restent et sont loyaux à leur hiérarchie alors même que les conditions de travail et d’action sont dégradées ? Quelles sont les propriétés sociales des agent·e·s publics qui, au contraire, prennent le risque de protester, qui tombent dans « l’apathie » ou sortent de l’organisation ? La typologie d’A. Hirschman « voice, exit, loyalty » , amendée par G. Bajoie , permet d’analyser les prises de position de ces agent·e·s dans l’espace de production des politiques culturelles en contexte de forte contrainte budgétaire, en les contextualisant et en se gardant de considérer ces registres d’action comme un continuum de positions .