Penser ensemble le travail collectif pour plus de collectif de travail

Résumé 0

La démarche adoptée met en œuvre certaines méthodes et concepts empruntés à la clinique du travail, approche qualitative et clinique, complémentaire à l’approche quantitative et épidémiologique. La méthode de recueil des données est structurée en deux phases, une phase exploratoire et une phase d’enquête auprès de quatre organisations agricoles, trois coopératives et une association professionnelle. Dans cette recherche, nous définissons la santé psychique comme une capacité normative du sujet (normativité), une capacité à créer du milieu pour vivre, et pas seulement de s’adapter à un milieu. Cette normativité engage la créativité au travail. Dans la phase exploratoire, différentes formes d’organisations collectives du travail agricole ont été catégorisées selon leur période d’émergence (agriculture de groupe et collectif d’agriculteur) et leurs finalités. Afin de clarifier la notion d’organisation collective du travail agricole, différents concepts ont été précisés : l’organisation du travail comme ensemble de règles prescrites, le travailler comme vécu subjectif, le travail collectif comme différentes manières de travailler à plusieurs et le collectif de travail comme genre professionnel, ensemble de règles élaborées par les professionnels eux-mêmes. Le collectif de travail, conçu comme la partie soutenante de l’organisation collective du travail, se construit à partir du travail collectif.La phase d’enquête a été définie comme un processus d’élaboration par et avec une trentaine d’agriculteurs sur une période d’environ six mois. Il s’agit d’une perspective de recherche-intervention donnant une part importante aux ateliers collectifs pour traiter de la dimension collective en groupe. Une conclusion importante de cette recherche est de ne pouvoir établir un rapport univoque entre santé psychique et organisation collective : l’expérience de la coopération entre agriculteurs est ambivalente. L’organisation collective du travail agricole peut à la fois soutenir et fragiliser la santé psychique des agriculteurs membres de ces organisations. La construction de la santé psychique peut s’appréhender via le passage du travail collectif au collectif de travail. Le développement du collectif de travail suppose différentes conditions, notamment la mise en place de temps de réflexivité sur le travail. Il y a un double enjeu à travers ces espaces de discussion : reconnaître non seulement la contribution de chaque adhérent à la production (intégrant la direction et la gestion de l’organisation) mais aussi « au débat sur les normes et les valeurs » (Caroly, 2019). D’autres conditions ressortent des résultats : des compétences de leadership à incarner pour les dirigeants, la (re)-définition de la finalité commune, la formalisation du travail prescrit et du règlement intérieur, l’équité entre les adhérents, la confiance et la convivialité entre les membres. Cela demande de pouvoir réfléchir aux conditions d’accueil, de formation, mais aussi de sanction voire d’exclusion des membres. Pour parvenir à des organisations plus soutenantes pour la santé psychique, des soutiens extérieurs semblent nécessaires. La méthodologie d’accompagnement de ces organisations est discutée en fin de rapport, envisageant l’intervention comme une expérience de dialogue différente.