4 mai 2023
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Catherine Girardin, « La grâce peut-elle être performative ? Twenty Looks or Paris is Burning at the Judson Church (2009-2017) de Trajal Harrell ou la grâce après le « tournant performatif » », Déméter. Théories et pratiques artistiques contemporaines, ID : 10.54563/demeter.1085
La grâce a-t-elle encore sa place dans les arts de la scène ? Pour répondre à cette question, cet article se concentre sur l’opposition historique entre grâce et affectation. Il met en lumière le parcours théorique de ces concepts, et les notions qui leur sont associées : l’authenticité et l’innocence pour la grâce, la feinte et le théâtral pour l’affectation. À cette opposition s’en superpose une autre : entre l’homme, perçu comme neutre, pur et vrai, et la femme, opaque, trompeuse et volatile. Une occurrence de la notion de grâce dans un article séminal de Michael Fried dans les années 60 permet de mettre le doigt sur les significations dont grâce et affectation sont chargées au milieu du xxe siècle. Se révèle en sourdine un débat, opposant, d’un côté, une conception essentialiste de la grâce entendue comme présence par Fried et certains artistes de l’art de la performance (performance art) et de la danse postmoderne, et de l’autre, l’auteure Susan Sontag et ses réflexions sur le camp – qui est une manifestation de la théâtralité, voire de l’affectation – et sur l’inanité de la quête moderne de la présence. Il apparaît que si la grâce était liée à ce qu’il y a de performatif dans l’art de la performance, elle a subi, comme la performativité elle-même, une transformation à l’orée du xxie siècle, reconfigurant son opposition à l’affectation. L’œuvre de Trajal Harrell concourt à ce mouvement par sa sur-théâtralité qui épuise l’impératif de grâce. Cet article conclut que la grâce après le « tournant performatif » met encore en jeu certaines dynamiques traditionnelles comme la séduction et l’innocence, lesquelles subissent un détournement à l’aide de stratégies de mise à distance comme l’exacerbation, la parodie et la citation ; des stratégies associées à l’affectation, qui devient source de plaisir pour le spectateur. L’auteure propose l’idée d’une grâce de l’affectation, qui trouve des échos dans certains discours esthétiques contemporains.