23 octobre 2014
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Stéphane Latte, « Des "mouvements émotionnels" à la mobilisation des émotions. Les associations de victimes comme objet électif de la sociologie des émotions protestataires », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10.4000/teth.244
Le réinvestissement récent de la question des émotions par la sociologie de l’action collective a donné lieu à deux lignes d’interprétation, la première attentive aux émotions « mobilisatrices », la seconde aux styles émotionnels que composent les mouvements sociaux dans leurs démonstrations publiques. Il s’agit dans cet article de tester ces deux cadres d’analyse à partir du cas d’une forme récente de protestation – les mobilisations de victimes d’accidents collectifs – qui apparait d’emblée comme une candidate « naturelle » à l’explication par les émotions. Dans un premier temps, nous montrons les limites de l’hypothèse d’une « militance émotionnelle » qui obstrue la mise au jour de déterminants sociaux pourtant décisifs dans le passage à l’action collective des « victimes ». Puis, nous suivons les jeux sociaux d’imputation d’émotions qui participent aux luttes de (dis)qualification qui se portent sur ces associations. Enfin, nous resserrons la focale sur les expressions publiques d’émotions et sur la variabilité des configurations qui, soit les autorisent, soit les disqualifient. Car, si ce n’est pas le deuil qui mobilise les victimes, les victimes en revanche mobilisent le deuil, au point que les démonstrations publiques d’affliction constituent aujourd’hui une pièce centrale du répertoire d’action victimaire. The development of victim activism provided an opportunity to study the role of emotions in collective action a recent field of research on social movements. Indeed, sociologists as Walgrave and Verlhust characterize victims movements as “new emotional movements” for which they consider the affective variables predominant in participation. However the “emotionality” attributed to victim activism should not be viewed as an inherent property of this type of movement, but as a “folk construct”. Thus, the attribution of emotions is a common form of disqualification, in both the public as well as the judicial arena. Victim groups are thus stigmatized as “irrational” movements based on a sense of mourning, a desire for revenge or a traumatic shock rather than reasoned claims. This is why many victim spokespersons try to repress the public expression of their emotions. A fruitful direction is to leave aside the study of mobilizing emotions and to emphasize the analysis of mobilized emotions. The victims’ movements are perhaps distinctive less because of their (“emotional”) motives than because of the affective role they play in public and of the emotional work to which they are obligated by the cultural expectations attached to the social victim’s role.