l'étrange incandescence bleue des acariens: une généalogie du vivant issue du petit

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12 avril 2024

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Diego Espíritu Chávez et al., « l'étrange incandescence bleue des acariens: une généalogie du vivant issue du petit », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10.69564/able.fr.24020.acaros


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Résumé Fr

De même que le Cloud n'est pas un simple nuage, mais un amas de fils enfouis sous terre, le petit abrite en lui sa propre et vaste cosmologie : tout ce qui est petit est, en fait, tout ce qui vit. Par conséquent, questionner le petit, c'est s'interroger sur la vie et la nature elles-mêmes. Cet essai poético-visuel reprend les recherches de la scientifique mexicaine Anita Hoffmann sur les acariens et, à travers elles, s'interroge sur le son que fait le petit, sur le nombre de noms que l'on peut donner à une créature ou encore sur le degré de létalité d'une chose si petite qu'elle peut vivre dans un ourson d'eau. — au sujet de « L'étrange incandescence bleue des acariens » de Diego Espíritu Tout ce qui est vivant vit quelque part, sur son lieu. D'abord c'est le territoire. L'espace où quelque chose advient, où quelque chose ou quelqu'un existe. C'est ce qui fait des acariens des créatures si particulières. Leur territoire, c'est nous. Notre chambre. Notre lit. Notre matelas. Notre oreiller. Notre peau. Le corps même. Le territoire de l'acarien, c'est moi. De combien de formes peut-on nommer une créature ? Moi avec l'acarien. L'acarien en moi. Cette singularité est fausse. Elle dépend du microscope (fig. 362). Ce qu'il y a ce sont des acariens. Une multiplicité. Indivisible. Un amas d'infectes bestioles dans mon matelas, galopant sur ma peau. Elles sont immensément nombreuses. Bien qu'en les dessinant apparaisse la vérité persistante de l'unicité. Parce que ce qui existe, c'est une chose et elle se manifeste dans son être. Mais l'être de toute chose doit être pensé depuis son territoire. L'être n'existe que sur un lieu donné et à un moment donné ; l'être n'existe que pour un lieu donné et pour un moment donné. (trans-historicité, profonde temporalité, inhumaine ; instantanéité de l'acarien, évanescent, minuscule) Où sont tes acariens, Diego ? Ces bestioles produisent une sorte de fascination pour le récit-explication-philosophique. La question de l'animal apparaît partout dans les discours philosophiques contemporains : chats et chiens de préférence. Habitats domestiques. Bien qu'il y ait aussi des ours, des panthères, des oiseaux… Les bestioles sont quelque chose de si différents, des extraterrestres dont la forme peut être tout et n'importe quoi, sauf la nôtre. Comme si, ainsi, elles étaient moins anthropocentriques. Comme si elles permettaient, ainsi, le décentrement du discours anthropocentré. Comme si, ainsi, elles s'éloignaient de l'espécisme dont sont accusés aujourd'hui les savoirs-dogmatiques- de jadis. L'HOMME. Plus de celui-ci. Maintenant, l'acarien. La tique. La fourmi. L'abeille. Les essaims. L'organisation « sociales » des insectes. La simulation et la modélisation de leur comportement dans des habitats mathématiques. - fourmis comme des pointillés qui se démultiplient dans un plan cartésien. Aujourd'hui, les systèmes complexes sont connus de nous. Tes acariens font-ils du bruit, Diego ? Peux-tu coller ton oreille sur ton oreiller avec beaucoup d'attention et percevoir le bruit qu'ils font en respirant, en se traînant ? Si tu colles vraiment ton oreille ils entrent jusqu'au tympan. Acarien de l'oreille. Incandescent. Pâteux. Les acariens n'existent que dans les histoires de miasmes. Ils me dégoutent. Ils sentent la saleté et le renfermé. Leur territoire est l'humidité morbide d'une mansarde. L'hygiène moderne- et même comme ça, elle n'est pas suffisamment obsessionnelle- aspire à des espaces chlorés, lises, scellés, impeccables. Moi je veux dormir sur une plaque en acier inoxydable. Laisser les acariens sans territoire. Et la peau ? Je regarde mon épiderme avidement. Il a l'air - une simple apparence face à l'œil nu qui juge en accord avec le contexte culturel- tellement mien. Mon territoire (proie de mon épiderme). Apprendre à habiter dans ma peau comme un territoire multi-espèces. Faire monde avec une peau qui n'est ni moi ni à moi. Un territoire n'est pas ce qu'on possède, mais ce que la vie offre. Je m'abrite dans ma peau- avec eux. (Acariasis) Ils occupent un lieu minuscule. Non. Ils m'occupent moi. Et ça, c'est de trop. Je ne vais pas me mettre à les compter. Hybris indéterminée. Pour quoi les acariens, Diego ? Tu les gardes dans de l'éther, immobiles, bien rangés au fond d'un tiroir. Éternels. Taxidermie d'acariens. Pour les contempler à contre-jour, dans chaque variation du ciel scintillant étoilés les pattes écartées contre le verre de la lamelle du microscope. Tout doit être libéré de la maladie. Putréfaction. Suppurante. De la peau intoxiquée. Dedans. Dehors. Mauvais fonctionnement. Du corps morbide. Qui tombe malade par lui-même. Et qui pue. Tout ce qui vit pue. Odeur de déjection. Épaisse. Poussière livide d'acarien incandescent. Poudrières de débris d'êtres vivants. Dedans. Dehors. Acarien d'acarien. Primordial. Le problème est la mort, toujours- la mort elle-même ? La corruption. La destruction. La décadence. La maladie, toujours. Purulente. Malodorante. Ou bien mourir soudainement propre à cause d'un souffle dans le ventricule gauche qui fait que le cœur arrête de battre pour toujours. La mort, toujours. Tout ce qui est vivant vit quelque part, sur son lieu. L'acarien et moi. Jusque dans la mort. Sa mort. Ni voie lactée. Ni galaxie d'Andromède. Ni explosion du soleil inflétrissable. L'acarien meurt ici et maintenant. Incandescent. María Antonia González Valerio Coyoacán, octobre 2020 Traduction David Ferré

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