2022
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Adrienne Boutang, « Qui a peur de la vulgarité?: Mauvais goût, transgression et vulgaire au cinéma et à la télévision aux Etats-Unis. », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.ce8d81...
« Désormais, Hollywood pratique le mauvais goût – mal, en général ». Cette phrase du cinéaste John Waters, maître autoproclamé du mauvais goût dans la culture populaire nord-américaine, pose une question pertinente : à une époque où il est possible d’accéder aisément à des images transgressives, la vulgarité a -t-elle été domestiquée, et a-t-elle encore le pouvoir de déranger ? J’aimerais, dans ce texte, examiner les rapports entre vulgarité et transgression en m’appuyant sur la culture audiovisuelle populaire nord-américaine contemporaine. S’interroger sur la portée transgressive de la vulgarité, c’est reconnaître qu’elle se situe à la lisière, sur une crête entre l’acceptable et l’intolérable, proche, mais bien distincte, de sa « jumelle » dépravée, l’obscénité. C’est ce positionnement d’entre-deux qui lui a valu, en des temps plus répressifs que les nôtres, une certaine indulgence de la part des censeurs. Mais c’est aussi ce statut intermédiaire – ni entièrement acceptable, puisqu’allant à l’encontre du bon goût, ni tout à fait condamnable – qui la rend plus critiquable que d’autres transgressions plus frontales et, peut-être, plus audacieuses. C’est bien ce territoire flou, entre le trop et le trop peu, que je vais tenter de cerner. Partant du Code de censure cinématographique des années 1930 à Hollywood (le Code Hays), je dériverai vers les transgressions de John Waters, pour arriver aux dance music shows télévisés des années 1980, et à une tentative significative d’intégrer, en la mettant à distance, une vulgarité médiatique devenue dominante à la fin du XXème siècle dans la culture populaire : Spring Breakers, d’Harmony Korine (2012). En traversant les décennies, nous passerons ainsi d’une période puritaine attentive à contenir les images et les mots dans les strictes limites de la pudeur, à une époque – la nôtre – où la libéralisation apparente des représentations médiatiques s’accompagne aussi de l’apparition d’autres normes liées à l’apparence.