9 mars 2020
Open Access , http://purl.org/eprint/accessRights/OpenAccess
Céline Bonnel Guérard, « De la ruine contemporaine : quelques visions dystopiques et spectres de survivances urbaines », Theses.fr, ID : 10670/1.ck5g65
Allégorie du temps, la ruine conjugue depuis toujours Savoir et Imaginaire. Pourtant, depuis le XXe siècle, la douce mélancolie ruiniste telle que nous la connaissons depuis la Renaissance connaît une véritable subversion. En effet, l’apparition des ruines de guerre, l’horreur des évènements et la brutalité du monde contemporain plongent la ruine dans un nouveau paradigme esthétique, celui du tragique, voire du kitsch. La ruine ne renvoie plus seulement au passé, mais bel et bien à un présent qui voit son pouvoir de destruction changer d’échelle. Si nos sociétés postmodernes entrainent dans leur chute de plus en plus d’espaces qu’elles jettent, laissent à l’abandon au profit de nouveaux systèmes économiques, le concept de ruine peine à trouver sa place dans un monde qui n’est plus en mesure de produire les conditions mêmes de son existence. Cette réapparition inopinée d’un nouveau genre de ruines (industrielles, écologiques ou guerrières) bouleverse le vocabulaire communément établi et tend à faire disparaître la ruine comme réalité mais aussi comme concept fondé sur l’autonomie, le fragment et la temporalité. Aussi, cette recherche propose-t-elle de s’interroger sur la manière d’appréhender ces espaces délaissés ou « en suspens » dont la vision, parfois brutale, perturbe nos sens, nos repères esthétiques et historiques. À Détroit et à Beyrouth, les ruines en milieu urbain se présentent comme autant de cicatrices d’un tissu qui aurait brutalement perdu sa fonctionnalité et son identité. De la pratique photographique du ruins porn au tourisme noir, leur contemplation soulève de vives interrogations autant qu’elle donne lieu à de nouveaux discours et à des approches esthétiques et artistiques inédites.