2017
Cairn
Boris Chaffel, « Naturalisations : deuil et violence coloniale », Savoirs et clinique, ID : 10670/1.clsohg
Ce texte, en problématisant l’usage du terme de « naturalisation » dans le roman de Yoko Ogawa, L’annulaire, depuis son interprétation littérale par Jean Allouch, met en évidence que la polysémie des usages de « naturalisation », en français, fait symptôme, en nouant bizarrement l’opération du deuil et la violence coloniale. Le récit d’Éric Vuillard, Tristesse de la terre, qui explore la colonisation depuis le Wild West Show de Buffalo Bill et la naissance du spectacle de masse aux États-Unis, permet une interprétation de ce symptôme, en dégageant une hantise, coextensive d’une violence archivale. En creux, la fonction de l’archive – ou de son impossibilité – dans le deuil, qui convoque deux modalités de la naturalisation. On opposera ainsi, d’une part, une naturalisation-extorsion dans la violence coloniale, qui tient à une extorsion de l’objet d’amour au service d’un Récit instituant la transparence persécutrice du tout-Autre, privant l’endeuillé a priori de la possibilité du deuil ; d’autre part, la naturalisation comme produit de l’opération dégagée par la lecture de L’annulaire proposée par Jean Allouch, qui trouve un écho dans le final du livre d’Éric Vuillard. Ce tressage rencontre la voie ouverte par certains auteurs postcoloniaux, qui promeuvent l’opacité comme lieu de subjectivation de la violence du si transparent Récit colonial.