« Fécondités d’un malentendu : la postérité de Tolkien en fantasy »,

Résumé En

Cet article propose la synthèse et le prolongement de mes précédents travaux portant sur la réception de Tolkien, et en particulier sur la place qu’il occupe pour le genre contemporain de la fantasy . Il s’agit d’y réévaluer l’évidence d’influences croisées : influence non seulement de l’œuvre de Tolkien sur le développement et la définition de toute la fantasy par la suite, mais aussi, en retour, influence de ce qu’est devenue cette fantasy, le genre de grande diffusion hégémonique de notre époque, sur l’intérêt critique que suscite aujourd’hui l’œuvre de Tolkien. Cette histoire longue de plus de cinquante ans fait de la réception de Tolkien un cas d’école, sans doute inégalé, de construction d’un genre hyperexpansif à partir d’un unique parangon, et invite à réfléchir, sur ce superbe exemple, au statut et au destin du chef-d’œuvre, cause de modifications en chaîne de « l’horizon d’attente », et en subissant à son tour les conséquences. Dans le cas de Tolkien en effet, cette réussite ne se sépare pas d’un profond malentendu : paradoxalement, c’est d’être mal copié, longtemps, avec un succès toujours croissant auprès du public, qui lui a apporté une reconnaissance que méritait son génie d’auteur, mais qu’il n’a obtenu que comme point de départ d’un processus qui le déborde ou le dénature. Il convient donc pour moi de ne pas séparer Tolkien de sa postérité, même « indigne », comme on pourrait en être tentés dans le cadre d’une stratégie de légitimation de l’auteur aimé, car ce serait risquer la méconnaissance et même l’aveuglement : Tolkien est grand, comme en attestent les autres articles de recueil, parce que la fantasy l’a placé au sommet de son panthéon, imposant sa large prise en compte par les études critiques aujourd’hui .