« Bertha, l'esprit du lieu: circulation de l'altérité dans Jane Eyre »

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2010

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Résumé Fr

Il s'agit d'analyser Bertha Mason, la Créole exilée dans l'Angleterre victorienne et devenue la "folle du logis", comme figure du déplacement, de la délocalisation, qui place l'ailleurs au cœur même de la maison victorienne. Plutôt que de m'inscrire dans la perspective de tel ou tel discours critique et de lire la figure de Bertha à son aulne, je suggère que la richesse et la puissance de cette figure réside précisément en ce qu'elle est le point d'articulation d'une multitude de discours critiques (féministe, marxiste, psychanalytique, post-colonial), qui s'y sont reconnus, l'ont exploitée, sans toutefois jamais l'épuiser. On y a vu tour à tour (selon les époques et les 'modes' critiques) la figure du colonisé face à la domination impérialiste, celle du désir féminin réprimé par la société patriarcale, celle de la colère des classes opprimées, celle du refoulé faisant retour au sein de la psyché — et le texte de Jane Eyre se prête à toutes ces interprétations, notamment par le réseau métaphorique qu'il déploie. Mais il me semble qu'au-delà de ces lectures répondant chacune à un positionnement idéologique particulier, la figure de Bertha résiste, et tend à chaque génération de lecteurs un miroir où ceux-ci peuvent voir tout autant le reflet de l'époque et de la culture dans lesquelles ces discours critiques ont été produits, que le reflet du positionnement de Charlotte Brontë dans l'histoire de la littérature britannique. En effet, en empruntant à l'imagerie gothique du vampire, la figure de Bertha s'enracine dans une tradition littéraire spécifiquement anglaise et combine donc altérité géographique et altérité temporelle : Bertha, c'est l'étrangère venue d'ailleurs, mais c'est aussi l'étrange venu d'autrefois. Et en cela, elle travaille la culture victorienne de l'intérieur et cristallise les forces agissantes au cœur d'une culture dominante: forces de subversion, de questionnement, de résurgence, par lesquelles la culture est déstabilisée, mais aussi renouvelée. Si elle constitue une menace à l'ordre établi, elle détient aussi un pouvoir de hantise, par lequel l'imaginaire se voit fertilisé — non seulement l'imaginaire de Brontë et de ses lecteurs, mais celui des générations suivantes et notamment des artistes pour lesquels Bertha a ouvert la voie vers d'autres créations. En définitive, mon propos est de souligner le paradoxe de Bertha: étrangère radicalement autre, et pourtant image spéculaire de nous-mêmes, dans notre lien complexe à l'ailleurs et à l'autrefois, càd. à notre héritage culturel et historique.

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