13 mai 2009
Erwan Pépiot, « The making of French vocalic triangles: the case of a woman's voice versus a man's voice », HAL-SHS : linguistique, ID : 10670/1.cxidky
La fréquence fondamentale est souvent considérée comme la principale différence entre les voix d'homme, dont le pitch varierait autour des 120Hz, et les voix de femme, dont le F0 serait environ deux fois plus élevé (Vaissière, 2006). Pourtant, de nombreux locuteurs, féminins comme masculins, parlent avec un F0 moyen avoisinant des 160Hz, et dans la plupart des cas, l'auditeur est capable d'identifier le genre du locuteur. Partant de cette constatation, nous nous sommes penchés sur les productions vocaliques d'un sujet masculin et d'un sujet féminin, tous deux francophones, afin d'y déceler d'éventuelles différences significatives. Notre hypothèse étant que le triangle vocalique, obtenu en relevant les valeurs des deux premiers formants de chaque voyelle, serait plus étendu chez notre locutrice. Cela confirmerait une tendance déjà observée par Cynthia G. Clopper (2004) sur l'anglais américain. Préalablement, afin de nous guider dans le choix des locuteurs, nous avons effectué une brève expérience sur le lien entre fréquence fondamentale et facilité à déterminer les formants vocaliques. Il en est ressorti qu'il était plus aisé de travailler avec des locuteurs dont le F0 moyen est inférieure à 200Hz. Une fois nos deux participants choisis, il leur fut demandé de lire un texte. A partir des enregistrements, nous avons relevé les valeurs de F1 (mesure acoustique traduisant l'ouverture de l'articulation d'une voyelle) et F2 (mesure traduisant principalement l'antériorité de l'articulation d'une voyelle) pour plusieurs occurrences de chaque voyelle orale. Les moyennes ont été calculées, puis nous avons généré un triangle vocalique pour chacun des deux locuteurs à l'aide du logiciel SaRP. Notre hypothèse de départ s'est vérifiée, et nous avons même été en mesure de l'affiner : les différences se concentrent quasi-exclusivement sur les voyelles frontales non-arrondies, pour lesquelles F2 est nettement plus élevé chez notre locutrice. Compte tenu de ces résultats, nous avons suggéré qu'il serait idéal pour tout logiciel ou ouvrage de phonétique de proposer non pas un triangle vocalique par langue (ou dialecte) mais deux : un pour les locutrices, l'autre pour les locuteurs. Enfin, nous évoquons dans la dernière section de ce mémoire de nombreuses perspectives d'études, notamment la recherche d'indices acoustiques utilisés par les auditeurs pour déterminer le genre d'un locuteur.