11 avril 2024
Victor Faingnaert et al., « L'Heritage drama, des rétrotopies critiques ? Le Royaume-Uni à la recherche de son passé », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.cykapk
Cet article cherche à appréhender l’imaginaire historique du Royaume-Uni contemporain à travers le film de l’industrie Merchant Ivory, The Remains of the Day (1993), Gosford Park de Robert Altman (2001) et de la série Downton Abbey de Julian Fellowes (2010–2015). Ces trois productions sont souvent intégrées dans l’heritage drama, un genre assez informel qui désigne un ensemble de films et de séries, majoritairement produits dans les années 1980–1990 sous l’ère thatchérienne, prenant comme objet et comme lieu de l’intrigue les country houses. Mais le véritable critère donnant l’unité au genre est politique : en représentant de façon idéalisée un Royaume-Uni à une période souvent considérée comme un âge d’or pour le pays (du XVIIIe siècle au début du XXe siècle) les productions du genre ont souvent été taxées de conservatisme. À ce titre, la nostalgie semble être le principal moteur de leur récit. Cependant, lorsque l’on s’attarde sur ces fictions et qu’on s’intéresse à la fois à leurs représentations et aux histoires qu’elles racontent, un constat s’impose : l’heritage drama est un genre ambivalent par essence. En effet, la volonté de ces fictions de mettre en récit et en images le mode de vie de l’aristocratie britannique, notamment de la domesticité intrinsèque à ces manoirs de campagne, produit des fictions permettant des appropriations critiques. Ainsi, ces multiples représentations filmiques de la country house – véritable microcosme de la Grande-Bretagne d’avant Seconde Guerre mondiale – offrent des regards divergents sur les rapports sociaux, qu’on ne peut réduire à une simple mélancolie pour une période désormais révolue.