7 décembre 2009
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Maxime Szczepanski, « Du diplomate au citoyen. Etudes sur la politisation du Monde diplomatique et de ses lecteurs (1954-2008). », HAL-SHS : sciences politiques, ID : 10670/1.d051iq
Ce travail sur la politisation du Monde diplomatique et de ses lecteurs s’articule autour de trois axes. Le premier expose trois stratégies de contournement d’un objet qui, avant les années 1970, n’est pas investi par ses collaborateurs d’un sens distinct de celui du quotidien au sein duquel il a été créé, le Monde, et qui n’est pas nécessairement perçu, par ses lecteurs, comme un journal politique. Reconnu dans les années 2000 comme l’un des principaux acteurs de l’altermondialisme français, ce mensuel visait à l’origine le public des ambassades et des institutions internationales. Afin de comprendre son évolution, une première stratégie a consisté à orienter le regard vers les premières décennies du mensuel, alors dirigé par François Honti, pour étudier le processus d’autonomisation croissant du Monde diplomatique vis-à- vis du Monde, sous la houlette de Claude Julien. Ce détour permet de montrer comment le mensuel, d’espace de relégation (années 1950-1970), prend les traits d’un espace de consécration (années 1980 et 1990), en marge néanmoins des courants et organisations de gauche. Dans un deuxième temps, l’analyse a porté sur la généalogie de l’idéologie à laquelle le mensuel a longtemps été associé, le tiers-mondisme. Catégorie molle, véritable stigmate politique, le tiers-mondisme n’a en réalité jamais été endossé par le mensuel. Enfin, ce sont vers les processus de réceptions qu’est centrée l’attention, en s’intéressant plus particulièrement aux lecteurs réunis au sein de l’Association des Amis du Monde diplomatique, à partir du milieu des années 1990, et à sa difficulté à trouver sa place par rapport à l’association Attac, elle aussi créée par le mensuel. Ces stratégies de contournement ont permis de montrer que le succès du Monde diplomatique reposait sur quatre facteurs. Autant qu’il se politise, ce mensuel se scientifise en faisant notamment appel à des économistes et des historiens (années 1970-1980) puis à des sociologues (années 1990-2000). Autrement dit, l’engagement du mensuel est autant journalistique que scientifique, ce dont témoignent les parcours de ses collaborateurs les plus proches (Claude Julien, Ignacio Ramonet ou Bernard Cassen). En second lieu, le Monde diplomatique a pu appuyer son développement et sur la structure économique de sa maison-mère, le Monde, et sur une organisation du travail faisant la part belle à des pigistes. Le succèsdu mensuel repose également sur sa capacité à mêler logique commerciale et logique de don, ce dont témoigne la création de son association de lecteurs. Enfin, ce journal doit sa réussite commerciale à la pluralité des usages qu’offre son contenu, tourné vers l’actualité internationale. Pour une partie de son lectorat, le Monde diplomatique n’est en effet pas un journal politique, mais couvre un gradient de lectures plus ou moins investies.