10 septembre 2024
Margaux Coquelle-Roëhm, « « J’arrange le blanc dans le noir » : poétique du blanc chez Jacques Roubaud », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.d14qvz
Inversant la valeur du blanc parfois interprété comme un vide (Christin, 2009), Roubaud fait de sa disposition un geste énonciatif participant de la signifiance du poème. Le blanc confère au poème une dimension iconique et une « vi-lisibilité » (Anis, 1983). Il permet des « jeux d’espaces » qui délinéarisent les parcours de lecture et invitent à une réflexion sur la temporalité. À partir d’un corpus manifestant un usage poétique des blancs (alinéa, blanc intra-linéaire, disposition tabulaire, etc.), on définit une catégorie de « blancs topographiques » (Lefebvre et Mahrer, 2019) qui organisent la forme du poème dans l’espace graphique, pour en définir différentes fonctions chez Roubaud. Celui-ci conçoit le poème selon un « quatuor de formes » mouvant (deux externes, orale et écrite, et deux internes, « aurale », la voix intérieure, et « éQrite », l’image mentale de la page). Le blanc permet ainsi la suspension d’un état du poème – oralement, par le jeu du silence et dans la page où il est temporairement arrêté – et maintient entière sa potentialité. Il participe de la redéfinition du vers comme « effecteur de mémoire » par le rythme et le nombre. On montre donc que la poésie, en tant que pratique de la méditation et « mémoire de la langue », s’accomplit dans l’espace de la page, par le jeu des blancs.