2014
Cairn
Aaron Freundschuh et al., « Anatomie d'un fait divers impérial : L'affaire Pranzini et la fabrication d'un archétype criminel », Sociétés & Représentations, ID : 10670/1.d1vwyl
En septembre 1887, un fin limier, reporter au Figaro, révèle au Tout-Paris que de hauts responsables de la police sont en possession de porte-cartes fabriqués avec de la peau humaine. Il s’avère que cette peau a été prélevée sur le cadavre d’Henri Pranzini, migrant égyptien récemment guillotiné pour triple homicide. Le scandale qui s’ensuit dévoile les chassés-croisés entre l’imagination coloniale française et le « discours sécuritaire » très répandu à Paris à la fin du xixe siècle. À ce moment clef de l’histoire de l’expansionnisme républicain, les théories s’affrontent à propos de ce vétéran des guerres impériales. Mais, malgré leur rivalité, médecins, critiques sociaux, inspecteurs de police, journalistes reviennent sans cesse aux catégories raciales de « Levantin » et de « rastaquouère ». De ces enquêtes allait émerger un nouvel archétype criminel, celui de l’anti-héros colonial protéiforme, toujours prêt à menacer la métropole. Cet article propose le concept d’« insécurité impériale » pour explorer les formes de criminalité violente, réelles ou imaginaires, que l’aventure coloniale fait résonner dans un Paris angoissé. Instrumentalisée dans les débats parlementaires, l’affaire Pranzini révèle jusqu’où l’immigration en provenance des colonies a nourri les arguments des partisans d’un contrôle de l’immigration au moment où le projet colonial républicain prenait son essor.