11 décembre 2012
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Isabelle Ligier-Degauque, « Porter "La Religieuse" de Diderot à la scène : étude de l'adaptation d'Anne Théron », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10.15122/isbn.978-2-8124-4111-0.p.0247
En adaptant "La Religieuse" à la scène théâtrale, la metteure en scène Anne Théron supprime toute allusion au destinataire fictif du roman (le marquis) au profit du seul spectateur. Ainsi privilégié, le spectateur est placé dans une position de réception ambiguë : il se voit confier le récit intime de Suzanne Simonin sur son expérience passée du couvent, mais il ignore jusqu'au bout si ce récit lui est bel et bien destiné. À qui s'adresse en effet la comédienne, Marie-Laure Crochant, durant près d'une heure et demie de spectacle ? à elle-même, tout d'abord, et peut-être seulement à elle-même. La situation d'enfermement de Suzanne serait à comprendre jusque dans ses ultimes conséquences : "La Religieuse, c'est l'histoire de quelqu'un qui ne s'en sort pas", selon Florence Lotterie. Dans cette étude, après avoir montré comment Suzanne est hantée par des voix, au risque de perdre la sienne, au sens littéral et idéologique du terme, nous voyons comment le conditionnement de ses pensées passe, dans le cadre de la fiction, par la domination physique exercée par la mère de Suzanne et les supérieures, mais aussi par l’emprise de la caméra sur le corps de Marie-Laure Crochant. Pour détourner l’expression d’Anne Coudreuse, le cadrage "travaille à torturer le corps" . Enfin, nous nous focalisons sur le "costume-décor", véritable tunique de Nessus qui nie l’intégrité (physique et morale) de Suzanne. Négation pleinement réalisée in fine : "Suzanne pousse un cri muet, la toile monte devant elle et l’ensevelit. Plus de corps, plus de voix" (Anne Théron).