12 décembre 2007
http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/ , info:eu-repo/semantics/OpenAccess
Philippe Corno, « LE THÉÂTRE ET LA LOI DU DIVORCE PENDANT LA RÉVOLUTION FRANÇAISE - Moralisation et politisation d’un mariage désacralisé », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.d3ikuc
Le 20 septembre 1792, l’Assemblée Législative vote une loi introduisant le divorce en France. Cet événement représente un bouleversement majeur du droit du mariage, d’autant que cette loi, qui sera fortement remise en cause par le Code civil (1804), se révèle d’une libéralité jamais égalée depuis. Le mariage se situant à la croisée de l’individu, de la famille et de la société, la dissolubilité de l’union conjugale transforme en profondeur les cadres juridiques et moraux de l’inscription de l’individu dans les espaces sociaux auxquels il appartient.Le théâtre révolutionnaire, en raison de son ancrage dans l’actualité immédiate et de ses ambitions pédagogiques, s’est dès 1789 saisi de cet enjeu juridique, moral et politique. Fictions spéculaires dans lesquelles une société se donne en spectacle à elle-même, les œuvres dramatiques de la période révolutionnaire permettent de questionner, en les confrontant dans leurs intrigues, l’ensemble des discours produits sur le divorce (essais, pétitions, textes de lois, romans, poèmes, etc.). Interrogeant non seulement la légitimité des fondements d’un droit au divorce (droit religieux, droit naturel) mais également les usages du droit du divorce, ce théâtre défend les valeurs d’une indissolubilité matrimoniale fondée sur la soumission morale des enfants à leurs parents, des épouses à leurs maris et de la passion amoureuse à la bienveillance conjugale et à l’amour parental. Bien que presque unanime dans la défense de la liberté du divorce, ce théâtre déploie donc toutes ses ressources dramaturgiques pour inciter à la concorde matrimoniale. Lancé par des fictions destinées à être représentées en public, cet appel à la stabilité et à l’union révèle ainsi les tensions propres à l’imaginaire de la famille et au projet juridique de cette époque. Adressée à des spectateurs devenus citoyens, cette morale de la réconciliation dans le couple contribue également à la défense de l’union dans la Nation.