1 novembre 2023
Raphael Gomerieux, « Corps en partage », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.d7mzbw
Henry Maldiney (1991 : 101) rapporte l’exemple d’un patient chez qui le propre et l’étranger ne sont pas séparés mais pris dans un incessant bras de fer : « le même malade peut ne pas sentir qu’on touche une partie de son corps (tellement il est peu sien), mais être bouleversé parce qu’on enlève une chaise devant lui, tant les choses autour de lui sont sa chair.» L'idée du corps en partage se réfère dans l'étude des psychoses à deux processus étroitement liés, qui peuvent être assez troublants : soit le corps est déconstruit et fragmenté, soit il s'entremêle avec les autres corps présents dans son environnement. Le miroir, doit en principe permettre aux tout-petits d'anticiper, de manière imaginaire, leur unité en percevant leur propre image. Cette image de soi, qui n'est donc pas innée, est ensuite renforcée progressivement à travers différents stades de prise de conscience. Lorsqu'une personne ne parvient pas à identifier son propre schéma corporel, le fantasme du corps morcelé, peut survenir. Dans ce cas, le sujet éprouve des difficultés à délimiter les frontières entre son corps et ce qui l'entoure.Notre objet ici ne sera évidemment pas de prétendre prendre part à ces débats mais plutôt d’en saisir le caractère éminemment évocateur afin de comprendre combien, à leur manière, les artistes Diana Quinby, Eric Monbel et Emmanuelle Gailliez, opèrent des jeux de passage du corps perçu intrinsèquement, propre à lui-même et déterminé dans ses limites rationnelles, au corps existant, contextualisé ou amendé par les circonstances du visible. À partir de quelques œuvres choisies et non-exhaustives, nous nous proposerons de décrire et d’analyser ces singuliers partages du corps où le morcellement, le dédoublement, la dislocation, s’accompagnent plastiquement de phénomènes de conversions, de co-corporéité, de contiguïté.