15 septembre 2023
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Noël Jouenne, « Habiter et valeur d'usage », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.d9dc07...
Depuis Diogène qui aimait vivre dans son tonneau, jusqu’à la vision biorégionale que Kirkpatrick Sale propose dans son Art d’habiter la terre, des siècles nous séparent et pourtant, l’homme n’a cessé d’habiter là où il se trouvait. Dans les forêts, dans les plaines, dans les déserts, il a puisé les matériaux au contact de son milieu pour en faire des structures habitables. Partout où il a vécu, un habitat est né ainsi qu’une forme d’habiter. Temporairement, ou de façon plus pérenne.Les paléontologues mettent à jour de nouvelles fouilles, et restituent, avec une fébrilité compréhensible, quelques bribes de l’histoire humaine. Ces éléments nous permettent de comprendre ou d’imaginer comment l’homme préhistorique vivait, et quelles étaient ses pratiques. Les usages et les pratiques dans l’espace domestique sont évidemment liés à la culture, mais aussi aux époques et au milieu.Aujourd’hui, devant l’inévitable catastrophe causée par l’espèce humaine depuis le milieu du XIXe siècle1, nous devons repenser les paradigmes de nos modes d’habiter pour pouvoir espérer survivre (survivre à l’échelle de la planète). Aux jours d’aujourd’hui, nous devons nous adapter car il est déjà trop tard pour essayer de régler les principaux problèmes de la planète. Pour nous aider, les sciences sociales et les sciences humaines n’ont à leur disposition que l’histoire des peuples à travers l’espace. Ces ressources sont précieuses si nous voulons échafauder quelques modèles d’ajustements à nos modes de vie débridés et avides de surconsommation : une chambre par enfant, une salle de bain équipée d’un jacuzzi, une piscine dans le jardin, des équipements régulés par la domotique. Il va falloir oublier tout cela.Les modèles de demain (qu’il faut penser aujourd’hui) passeront par la décroissance et la maîtrise des économies domestiques. Comme les entreprises n’aiment pas le terme de décroissance, elles y ont substituer celui de développement soutenable. Mais c’est la même chose. Nous savons qu’une grande partie des activités des architectes de demain consistera à réhabiliter les logements anciens, à isoler les murs et la toiture, et à créer des extensions. Pour cela, ils auront besoin de connaître les usages et la répartition des espaces. Qu’une salle de bain puisse également servir de chambre de développement photographique ou qu’un salon soit aussi l’annexe de la chambre des enfants, ces pièces disposent de plusieurs affectations. Mais la chambre d’un enfant parti étudier dans une grande ville peut aussi servir de bureau et/ou de coin repassage, et occasionnellement de chambre d’amis. Les pièces ont des usages pressentis (toilettes, salle de bain, cuisine) et d’autres qu’il faut découvrir.A l’échelle de la ville nous sommes confronté à un paradoxe : plus les politiques des quartiers défavorisés parlent de densification (douce, heureuse, frugale, etc.), plus le nombre de RB&B augmente en centre-ville. La désertification des centre-ville s’accompagne ainsi d’une densification périurbaine. Voilà un piège qu’il faudrait contourner.L’organisation de ce cours découle dans sa structure et en grande partie des recherches menées par Marion Ségaud et livrées dans l’anthropologie de l’espace. Nous cautionnons ses arguments et avons décidé de suivre son résonnement. C’est pourquoi une progression est visible à travers les premiers chapitres. Ensuite, nous naviguons dans des directions très variées à la recherche des particularités et des différentes formes d’usages de l’espace domestique. Vivre dans un camion ou dans un squat, vivre sous une yourte ou dans un château, la question qui sous-tend ces formes d’habiter n’est-elle pas celle du vivre ensemble (ou pas). Les ZAD (zones à défendre) sont des exemples contemporains qui illustrent bien d’autres formes d’habiter.Habiter, c’est vivre dans un milieu donné, à côté d’autres individus qui partagent les mêmes valeurs d’usage.