2022
Cairn
Alexis Nuselovici, « « Un temps étranger » : temps de crise et crise du temps », Raisons politiques, ID : 10670/1.da71k8
Il existe, selon l’expression du poète Paul Celan, un « temps étranger », différent de la temporalité gérée et gestionnaire des sociétés occidentales et d’une nature telle qu’il provoque une perturbation, une crise de l’ordre temporel, garant de l’ordre politique. Quand cela arrive, quel qu’en soit le motif, par exemple la migration, le temps de crise est avant tout une crise du temps.Pour Hans Blumenberg, une crise ne touche pas un contenu mais une fonction : lors d’une crise, il s’agit de « réinvestir » une fonction dont le contenu est obsolète, reposer une question dont la réponse est devenue périmée. Ainsi on parlera de fonction migratoire éclairant la pulsion de déplacement propre à l’espèce humaine, illustrée désormais par une nouvelle figure, sans visa et sans visage, débarquant du désert et de la mer, venant remplacer la figure du travailleur ou du réfugié politique dans l’histoire des migrations. L’irrégulier remplace le régulier et la règle ne l’accepte pas. Le système n’intègre pas cette nouvelle figure, cette nouvelle fonction, engendrant la crise tout en suggérant un nouveau pacte migratoire à élaborer, un droit d’exil en place du droit d’asile. Si la démocratie ne vaut que par un futur à toujours réinventer, le migrant lui offre un ethos de la venue qui rétablit l’économie brisée de la promesse