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Eric Gobe, « Le populisme de Kais Saïed comme cristallisation de la crise du régime parlementaire tunisien », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.dd5526...
Dix ans après révolution, la récente proclamation de l’état d’exception le 25 juillet 2021 par le président de la République, Kais Saïed, en s’appuyant sur une lecture « extensive » de l’article 80 de la Constitution apparaît comme le symptôme de la « crise organique », pour reprendre la terminologie gramscienne, que traverse actuellement la Tunisie. Autrement dit, elle est l'aboutissement du dysfonctionnement d’institutions politiques parlementaires incapables réguler les tensions sociales générées par le fonctionnement du « régime rentier maffieux » mis en place à l'époque du président Ben Ali. Les manifestations populaires d’approbation de la décision prise par le président Kais Saïed de geler les travaux du parlement et de lever l’immunité des députés traduisent, d’une part, un désaveu de l’ordre parlementaire institué par la Constitution de 2014 et, d’autre part, un rejet du partage du pouvoir, de ses privilèges et de ses rentes, entre les cadres dirigeants du mouvement islamo-conservateur Ennahdha et une partie des élites de l’ancien régime. Reste à savoir si le désir du président Kais Saïed de « corriger la trajectoire » de la révolution, c’est-à-dire d’instituer un régime politique articulant des formes de démocratie directe et un président de la République fort s’affirmant comme la « bouche du peuple » est à même d’établir une nouvelle forme de gouvernementalité qui résoudrait le hiatus entre représentants et représentés ou si son discours et ses pratiques qui, selon nous relève d’un populisme moralisateur, sont la porte ouverte à l’émergence d’un régime autoritaire.