2022
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Stéphane Ancel, « Delmaire Danielle et Rota Olivier, La fondation de l’Église catholique d’expression hébraïque en Israël 1947-1967, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque des religions du monde », 2021, 257 p., 49 €. », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.dd8e14...
L'ouvrage que nous présentent Danielle Delmaire et Olivier Rota, tous deux spécialistes des relations entre catholicisme et judaïsme, suscite un intérêt immédiat : celui de nous proposer enfin l'histoire d'une organisation catholique missionnaire, l'Ordre de Saint Jacques, très peu étudiée et peu présente dans l'historiographie, pourtant pléthorique, des mouvements religieux en Israël. L'Ordre de Saint Jacques, dont les statuts furent approuvés en 1956 par le Patriarcat Latin de Jérusalem, s'était donné pour tâche d'accueillir et d'encadrer les Juifs convertis au catholicisme en Israël. S'atteler à une telle tâche n'avait rien d'anodin dans un État d'Israël en construction tant sur le plan institutionnel qu'identitaire, et les défis que posaient l'implantation et le développement de l'Ordre furent nombreux. Les auteurs s'attellent donc à cette histoire, de la déclaration d'indépendance d'Israël en 1947 à la Guerre des Six Jours en 1967, en se concentrant sur plusieurs figures de religieux qui participèrent à la naissance et au développement de l'Ordre. Ici les documents d'archives nourrissent le propos : les correspondances, personnelles comme officielles, s'ajoutent aux documents administratifs pour faire dialoguer l'histoire de l'organisation avec celle de l'État d'Israël naissant. La question de l'intégration dans la société israélienne du personnel de l'Ordre comme celle des convertis est, de fait, au centre de l'ouvrage. Même si cette question est développée singulièrement dans le chapitre 4, elle est sous-jacente dans les 6 autres chapitres qui constituent l'ouvrage. Dans ces derniers sont développés en détails les circonstances de la naissance de l'Ordre (chapitre 1), ses évolutions organisationnelles (chapitres 2 et 3), la constitution des paroisses (chapitre 5) et les discussions sur les rituels et méthodes d'encadrements des fidèles (chapitre 6). Le dernier chapitre porte sur l'influence de l'organisation sur le texte sur les Juifs produit par le concile Vatican II (chapitre 7) et la conclusion ouvre des réflexions sur la période allant de 1967 à 2000. Ouvrage utile, fruit d'une enquête archivistique rigoureuse, il laisse toutefois le lecteur sur sa faim. En effet, il peine à dépasser la simple histoire interne, en restant centré sur les détails institutionnels et organisationnels qui se posent aux acteurs sans en questionner plus largement les implications sociales, politiques et idéologiques dans le paysage religieux d'Israël. En effet, le lecteur n'aura ici que peu d'éléments sur la place et le rôle dans ce paysage des autres institutions catholiques (Patriarcat Latin, Custodie). L'idée d'une altérité « juive » au sein du catholicisme aurait mérité une réflexion plus approfondie : rien n'évoque les discussions entre Juifs et Catholiques avant 1947 et l'implication de l'antisémitisme catholique, s'il est mentionné souvent, n'est pas développé (la conférence de Seelisburg de 1947 n'est pas évoquée). De même, la situation des autres églises chrétiennes et leurs tentatives missionnaires auprès des Juifs, notamment celles menées par les Protestants, n'apparaissent pas, alors même qu'elles auraient pu mettre en perspectives les réactions des autorités israéliennes vis-à-vis de l'Ordre de Saint Jacques. Ainsi, s'il complète, utilement, le panorama des études sur les mouvements religieux en Israël, nous pouvons regretter que cet ouvrage se limite à cela.