Anonymats urbains. Ethnographies comparées

Résumé Fr

La comparaison de pratiques anonymes dans différents contextes urbains nous permet de mettre en lumière différents points.La comparaison remet tout d’abord en question le lien postulé par les recherches entre densité et anonymat. Les grandes villes ne sont pas toutes vécues comme des environnements anonymes. Un maillage institutionnel du territoire extrêmement étroit peut assurer un contrôle social et politique de la masse urbaine et favoriser des formes d’interconnaissance et de surveillance dans un contexte de suspicion généralisée. Le maillage relationnel des groupes et des communautés peut rester structurant au-delà des espaces de résidence et endiguer les risques de l’accessibilité et de la diversité, comme le cadrage des rôles publics interdire les rencontres anonymes et participer aux jeux de la réputation. En partant de l’observation des pratiques et des déambulations des citadins dans l’espace urbain, nous voyons se déployer des tactiques d’invisibilité ou d’illisibilité. Ces jeux avec la visibilité publique permettant aux citadins de brouiller les indices de leur identification et d’ouvrir des espaces de possibles – de transgression ou de rencontres anonymes. Ces pratiques révèlent en creux l’existence de décalages moraux, culturels et sociaux au sein des villes, et entre sociétés urbaines, qui permettent de passer d’un univers normatif à un autre, de changer d’habit et de masque, de mettre en avant une identité plutôt qu’une autre en explorant les possibilités de la ville. Les conduites d’évitement, de contournement ou de dissimulation qui sont liés à différentes formes de censure, ont des effets très concrets sur la création d’espaces et de modes de sociabilité ainsi que sur l’expression des subjectivations.