Expériences pandémiques du droit et de la justice. : L’urgence sanitaire dans la rue, au travail et au foyer Fr En

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Date

5 juin 2025

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Sciences Po




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Émilie Biland et al., « Expériences pandémiques du droit et de la justice. », Archive ouverte de Sciences Po (SPIRE), ID : 10670/1.dfd8dd...


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La crise sanitaire de la Covid-19 a été marquée par une production légale inédite, foisonnante et instable, édictant des règles changeantes mais particulièrement restrictives et régulièrement assorties de sanctions. Par bien des aspects, ce droit pandémique – ainsi que nous nous proposons de nommer l’ensemble des règles juridiques prises pour réduire le risque sanitaire et adapter les formes de la régulation sociale au contexte de crise – est apparu vertical et descendant. Comment les personnes « ordinaires », ni juristes ni responsables politiques, l’ont-elles perçu et manipulé dans leur vie quotidienne ? Cette recherche analyse les appropriations, variables et inégales, du droit pandémique, en partant des tensions, injustices et conflits qu’il a occasionné dans trois mondes sociaux centraux pour l’exercice du pouvoir et l’intégration sociale : l’espace public, la vie professionnelle et la vie privée. Cette analyse se fonde sur 130 entretiens menés auprès de 163 personnes, vivant principalement dans deux régions hexagonales, ainsi que sur de nombreuses sources écrites, documents personnels, organisationnels ou officiels qui ont accompagné les démarches individuelles et collectives dans ce contexte extraordinaire.Des amendes au pass sanitaire, des reconfigurations du travail « sur site » au télétravail, de l’assignation au foyer aux relations entre ménages, cette recherche prend le parti d’une exploration large et transversale des lieux et des situations qui ont été bouleversés par la crise pandémique et par son droit extraordinaire. Au-delà du constat classique de la déstabilisation des organisations et des personnes, elle montre que celles-ci se sont réinventées face aux contraintes, en intégrant le droit, en l’accommodant voire en le contestant. L’obéissance massive observée durant le premier confinement apparaît complexe et ambivalente : les individus peuvent, simultanément ou successivement, être face, avec et contre le droit. De surcroît, les postures contestataires se développent à mesure que la crise s’étire, les règles apparaissant de moins en moins légitimes et de plus en plus incertaines voire contradictoires.Le droit pandémique a renforcé le pouvoir des autorités légales : des institutions publiques sur les gouverné·es, des employeurs sur les salarié·es, des professionnel·les sur leurs publics. Mais avec le bouleversement des repères ordinaires, tout le monde a été mis en position d’interpréter les règles et de faire valoir son cadrage auprès son entourage : parents vis-à-vis des enfants voire des personnes âgées, habitant·es d’un même immeuble, collègues de travail, passant·es dans la rue etc. Ces jeux avec le droit ont été informés par les rapports sociaux de classe, de genre, de race, d’âge et de handicap, qui limitent ou multiplient les ressources disponibles pour affronter le quotidien et exercer du pouvoir sur autrui. En cela, le droit pandémique a accentué les dominations, même s’il a aussi nourri les tactiques visant à leur résister.

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