2012
Philippe Hrodej, « Les premiers colons de l'ancienne Haïti et leurs attaches en métropole, à l'aube des premiers établissements (1650-1700) », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.dgyekc
Au moment où les premiers établissements durables voient le jour dans ce qui va devenir la partie française de Saint-Domingue, les colons ne sont qu'une poignée. Il est nécessaire d'abord de raisonner sur le nombre, source d'isolement, renforcé par le relief qui compartimente les différents quartiers, par l'éloignement des Petites Antilles, par des liens commerciaux longtemps aléatoires et par le fait dominant que sont les guerres quasi continues, du fait des délais d'application des traités et de l'anticipation dans les conflits. L'extraordinaire mortalité de la première année est un facteur supplémentaire : le climat est hostile et maître du jeu. Le résultat est révélateur de la propension d'une population à reconstruire des repères, à se rapprocher des autres nations européennes et provoquer des fusions inattendues : Français, Anglais, Espagnols se connaissent et connaissent parfaitement les marchands hollandais qui sont souvent les seuls à pouvoir assurer le ravitaillement. Entretenir un lien ne vaut donc que pour celui qui survit dans un univers encore neuf. Cette population est hétéroclite. De l'engagé pour le pétun ou la chasse, à l'officier, du dégradé à l'Habitant, missionnaires, boucaniers, flibustiers ou forbans : autant de parcours qui diffèrent à l'origine pour se rencontrer au terminus américain. Un fait marquant, l'incroyable facilité à se déplacer sur de grandes distances. À ce sujet, traiter de l'Atlantique sans y mêler l'océan Indien et la mer du Sud n'a aucun sens, tant ces zones liquides sont familières et deviennent des prolongements naturels. Reste l'attachement au pays maintenu par les liens familiaux. Distendus, sans doute aussi occultés par les archives publiques, ils demeurent. Le besoin d'argent, l'obligation pour le colon d'avoir une personne de confiance de l'autre côté pour gérer ses affaires, en retour, l'intérêt d'avoir déjà quelqu'un sur place en Amérique pour y envoyer un cadet. Et puis, toujours, souvent (même si au fil du temps la chose est vue de loin en loin), il y a le projet, l'espoir d'un retour, fortune faite. [résumé de la revue]