2 juin 2024
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christian maillebouis, « Les unionistes au Chambon-sur-Lignon (1942-1943) », HAL-SHS : histoire des religions, ID : 10670/1.dika8v
Si les darbystes refusent toute organisation, l’église réformée s’appuie sur des institutions bien établies, notamment au niveau de la jeunesse. En 1844, George Williams fonde à Londres une association protestante pour aider les plus démunis. Les UCJG, unions chrétiennes de jeunes gens (YMCA en anglais) sont nés. Parmi les 10 signataires de cette charte se trouve le Genevois Henry Dunant. Ce long cheminement conjoint des UCJG et de la Croix rouge sera fécond au Chambon en 1942… À Paris, l’UCJG s’installe au 14 rue de Trévise en 1893, et y propose de l’hébergement, une salle de théâtre, une piscine et un gymnase où se déroulent les premières rencontres européennes de basketball, sport créé par les unionistes américains. Charles Guillon, jeune réfugié alsacien, fréquente ce local. Son engagement se poursuit pendant la première guerre mondiale, dans le sillage des centaines de « foyers du soldat » créés sur le front par les UCJG. À la fin du conflit, le triangle rouge des unionistes devient célèbre bien au-delà du monde protestant. Si l’implantation des UCJG sur le Plateau remonte à 1861, Guillon leur redonne un nouvel élan quand il devient pasteur de Saint-Agrève en 1919. En 1927, il est embauché par l’alliance universelle à Genève, sans pour autant délaisser le Plateau puisqu’il devient le maire du Chambon-sur-Lignon en 1931 et le sera encore après la Libération. Il y favorise les structures d’accueil pendant le conflit de 1940, notamment le camp Joubert que le ministre de la Jeunesse Georges Lamirand inaugure le 10 août 1942, et qui est toujours en activité. Et par un retour au Christianisme musculaire des premiers UCJG, le Plateau devint un haut-lieu du basketball dans la région, avec plusieurs coupes à son actif exposées au vestiaire unioniste. En 1907, Baden-Powell fonde le scoutisme au Royaume-uni. Ce mouvement aconfessionnel s’implante en Normandie en 1911, à l’école des Roches de Verneuil-sur-Avre. Ce célèbre établissement devient alors le haut lieu des éclaireurs, homologues français des « boy-scout ». Henri et Ève Trocmé y enseignent jusqu’à leurs décès en 1944. Deux de leurs élèves, leur fils Daniel, et Roger Le Forestier, seront des personnalités chambonaises en 1942 et y perpétueront l’enseignement scout reçu. De leur côté, les UCJG s’emploient à bâtir un scoutisme protestant pleinement autonome en 1920. Et une dizaine de troupes unionistes sont sur le Plateau en 1940 depuis les jeunes louveteaux aux routiers adultes. L’Armée du salut favorise aussi leurs propres troupes. Robert Gamzon fonde les éclaireurs israélites en 1923, qui entrent en clandestinité dans les années 1940. Mais certains séjournent sur le Plateau pendant le conflit. À l’été 1945, un millier de ces éclaireurs israélites y reviennent pour relancer le mouvement. Soit trois années après le grand rassemblement des éclaireurs au Puy-en-Velay sous l’autorité du ministre Lamirand et du général Joseph Lafont, chef de tous les scouts français de 1940 à 1948. Enfin, le « Comité d’accueil des unionistes » participe à la création de la Cimade fin 1939. Financièrement très dépendante des UCJG, elle s’autonomise peu à peu et Madeleine Barot en devient une des responsables emblématiques. La Cimade s’implante dans les principaux camps d’internement de la zone sud, et y transpose les réconforts portés par les foyers unionistes de la première guerre mondiale, au point où les internés ne font pas la différence entre UCJG et Cimade. Une équipière de la Cimade, célèbre pour ses romans de jeunesse, Ellen Lombard, devient institutrice au Chambon, et dans son sillage un hébergement de la Cimade, sous contrôle de l’administration, ouvre au Coteau-fleuri en 1942.