4 avril 2024
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Jennifer Deram, « Mettre l'utopie au travail La moralisation écologique et la dévalorisation du travail associatif », Theses.fr, ID : 10670/1.dk38zv
Face aux préoccupations écologiques croissantes et au creusement des inégalités sociales, quelle place occupent les mondes associatifs ? Au croisement des volontés de « faire autrement » et des contraintes de l'économie dominante, que produit l'engagement au travail associatif ? Qui enchante le travail associatif et pour quelles raisons ? Quel impact cet enchantement peut-il avoir sur la valeur du travail réalisé ? L'enchantement opère-t-il sur toutes les positions sociales ? À quelles occasions ce charme est-il susceptible de se rompre ? Pour répondre à ces interrogations nous avons mené une enquête qualitative, par observation participante et par entretiens, dans une dizaine de recycleries et de ressourceries afin de saisir les différentes manières de se rapporter à ce travail associatif au sein d'un espace qui est en cours de structuration. Au travers de cette enquête, nous questionnons la fonction des économies symboliques au sein d'une « économie économique » (Bourdieu, 2017) ou encore capitaliste et néolibérale par le biais du travail réalisé dans les associations. Cependant, le haut degré d'abstraction de ces questionnements ne nous éloigne pas des dimensions concrètes et matérielles de ces enjeux. Ainsi, la question du travail est demeurée la pierre angulaire du raisonnement théorique, son point de départ, son balisage et sa ligne d'arrivée. La thèse montre la mobilisation croissante des associations au service d'une moralisation des problèmes publics. Avec le développement d'une fonction d' « entrepreneuses de morale », elles se font le relais de formes de responsabilisation individualisantes, tant sur le plan de la « sensibilisation » écologique que sur celui de l'« activation » vers l'emploi. Cette moralisation tend à invisibiliser le travail réalisé, ce qui contribue à faciliter sa dévalorisation et son appropriation sous la forme de « coûts sociaux et écologiques évités » à l'État néolibéral et aux entreprises. La thèse illustre également la manière dont le secteur privé lucratif bénéficie de cette moralisation au travers d'une désétatisation et d'une marchandisation de l'intérêt général, qui le place progressivement en position de prétendre au monopole du capital symbolique. La recherche empirique qualitative a toutefois permis de faire émerger des réticences ainsi que des tentatives de résistance et des réticences face à ces logiques. Tout en se gardant d'en idéaliser le poids et la portée, elle se propose d'alimenter la réflexion en faveur d'une réappropriation du travail associatif par ses travailleur·ses.