Le choix de l’interposition. La stratégie française face aux débuts du conflit en ex-Yougoslavie

Résumé Fr En

L’éclatement du conflit en Yougoslavie lors de l’été 1991 surprend les puissances européennes. Ce conflit survient à un moment charnière de l’histoire des relations internationales où interviennent simultanément une multitude de ruptures : chute du mur de Berlin et réunification allemande, effondrement de l’URSS, guerre du Golfe et naissance de « l’hyperpuissance » américaine, etc. Ces bouleversements placent la diplomatie française face à plusieurs interrogations quant à sa place sur la scène internationale. Adoptant une lecture pessimiste des évolutions en cours, les élites françaises abordent la résolution du conflit yougoslave de manière prudente. Cet article s’attache donc à analyser les choix effectués par la France en combinant approche réaliste et approche constructiviste des relations internationales. Il s’agit de comprendre comment se sont articulés des aspects liés aux perceptions des acteurs (l’obsession du «  rang » de la France) et des aspects liés à la conduite de la diplomatie (priorité donnée à la construction européenne, investissement dans les institutions internationales). Si l’envoi d’un force d’interposition a ainsi émergé rapidement, ce sont surtout ses modalités de déploiement qui ont fait l’objet de négociations, ce qui tend à démontrer une approche initiale plus politique qu’opérationnelle de la crise yougoslave.

The outbreak of the war in Yugoslavia in summer 1991 baffled European powers. This war came at a critical period in the history of international relations. Several major events occurred within a very short time span : the fall of the Berlin wall, the German reunification, the collapse of the USSR, the Persian Gulf War and the beginning of the American supremacy. Then the French diplomacy had to face several interrogations regarding its stand on the international scene. Through a pessimistic reading, France adopts a careful behaviour towards the Yugoslavian crisis. This article analyses the French decision-making process by mixing realist and constructivist views of international relations. The point is to understand how perception-like aspects (the obsession of the French “rank”) and diplomatic bargaining aspects (European construction and commitment in international institutions) have merged. If the deployment of an international peacekeeping force rose rapidly, it was actually the modality of such a deployment which was at stake. The initial approach of the Yugoslavian crisis was thus more political than operational.