2024
Cairn
Erwan Sommerer, « Résistance à la réification et désidentification : du constructivisme à l’anarchisme », Revue du MAUSS, ID : 10670/1.dpvoe9
Le constructivisme social de Peter L. Berger et Thomas Luckmann place au cœur de ses analyses la capacité des individus à agir sur leur environnement institutionnel. Plus précisément, il s’intéresse tout autant à l’oubli de cette capacité – et aux phénomènes de fixation et de naturalisation des normes qui en découlent – qu’à sa réactivation à l’occasion de crises spécifiques. Dans cet article, nous étudierons principalement ce double phénomène dans le domaine des identités, tout en établissant un lien avec l’anarchisme. Pour cela, nous rappellerons en quoi les textes pionniers du constructivisme social, dans lesquels la notion de « réification » occupe une place notable, sont riches d’enseignements sur le lien entre autonomie et plasticité identitaire. Puis nous aborderons deux applications possibles de ce lien : nous verrons que les travaux de James C. Scott sur l’Asie du Sud-Est font de la fluidité de l’identité un mode privilégié de résistance à l’État, avant que l’étude du concept de « désidentification » chez José Esteban Muñoz, ainsi que des stratégies post-identitaires propres au mouvement queer, ne vienne compléter ces réflexions et permettre de mesurer la convergence entre ces auteurs, les pratiques qu’ils décrivent et la pensée anarchiste.