23 juillet 2021
Marina Covolan, « Entre utilitas, distributio et perpetuitas: l’emploi du tuf jaune napolitain à Pompéi », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.dqwd02
Ce travail de recherche a débuté avec l’objectif d’étudier l’emploi et la distribution du Tufo Giallo Napoletano (TGN) à l’intérieur du territoire campanien du Golfe de Naples. Le TGN, produit volcanique de l’éruption des Champs Phlégréens il y a environ 15 mille ans, est certainement le matériau de construction le plus utilisé dans la zone des Champs Phlégréens (Baia, Cuma, Miseno et Pozzuoli) et dans le Napolitain, des zones dans lesquelles se trouvent les affleurements d’où il est possible d’extraire ce lithostype. Dans ces zones, son utilisation à grande échelle et sur une longue période est prouvée et est principalement due à sa facilité d’usinage, condition qui simplifie les pratiques de chantier de l’extraction à la mise en œuvre.Le grand nombre de preuves archéologiques, en particulier pour la zone phlégréenne, et l’identification à Pompéi, après un premier sondage, de nombreuses structures qui pourraient faire l’objet de cette étude, ont conduit à une réduction nécessaire du champ d’analyse. C’est pourquoi on a choisi de se concentrer davantage sur la ville de Pompéi, comme étude de cas où le TGN n’est pas un matériau de construction local et est donc lié à toute une série de problématiques et d’aspects, au niveau constructif et économique, qui s’écartent de ceux de la zone des Champs Phlégréens, et qui sont d’interprétation plus complexe, tout en restituant des résultats d’un grand intérêt.Depuis l’époque républicaine, le tuf au sens large, a fait l’objet d’intérêt de la part des auteurs antiques, qui en ont souligné les qualités, mais aussi les défauts, liés notamment à sa conservation ou à la tenue statique des structures construites dans ce matériau. Donc, l’idée qu’un lithopype avec ces propriétés physiques mécaniques soit exporté et utilisé dans une zone où il y avait d’autres matériaux de construction, a toujours suscité beaucoup de perplexité et cette étude a également pour but de pouvoir les clarifier, au moins en ce qui concerne les cas d'études.L’objectif principal de cette étude est d’évaluer la présence du tuf jaune napolitain (TGN) sur le site de Pompéi. La présence de ce matériau particulier dans les structures pompéiennes a toujours fait l’objet de débats parmi les chercheurs et on n’est pas sûr de son utilisation effective. Les autres objectifs de la recherche s’étendent sur plusieurs fronts, de l’identification des raisons économiques et architecturales qui en ont déterminé l’utilisation, jusqu’à la définition de l’aire de répartition et de la quantification de l’utilisation de ce matériau spécifique. Les caractéristiques particulières Minero-pétrographiques du TGN poussent ensuite l’étude à des approfondissements, de caractère moins archéologique mais plus lié à la conservation des structures réalisées en TGN.Les outils de travail étant définis (banque de données spécifique pour le TGN, Acor pour le fichage des techniques de construction et OPUR pour aider à l’analyse des réparations), la recherche s’est poursuivie par une étude aussi exhaustive que possible des différents contextes, et le travail d’analyse des preuves structurelles sur le terrain, accompagné toujours en parallèle d’une analyse des données recueillies. L’analyse des preuves a évidemment été menée à plusieurs niveaux, qui ont ensuite permis d’arriver à comprendre au moins en partie les motivations de son utilisation à Pompéi et les choix faits par les constructeurs ou les propriétaires des bâtiments où le TGN est utilisé.L’approche de l’élaboration suit ce qui est le développement naturel du projet, avec la présentation des méthodologies puis de l’objet et du contexte de l’étude. La structure du chapitre relatif à l’analyse des données cherche également à suivre l’évolution de l’étude des preuves : à partir de l’analyse des contextes, des chronologies et du type d’éléments structurels, jusqu’aux études plus spécifiques sur les matériaux et les techniques de construction en association avec le TGN et les revêtements pariétaux associés. Dans la dernière partie de cette section, on a voulu mettre l’accent sur deux aspects particuliers qui sont apparus comme prépondérants au cours des études des éléments structurels. Le premier est l’association du TGN dans des reconstructions et des réparations dans des contextes ayant subi des dommages sismiques, ce qui a conduit au développement d’une section dédiée au lancement d’une étude de la vulnérabilité sismique à l’intérieur du site de Pompéi. Le deuxième aspect est lié à la vulnérabilité du TGN et à sa conservation, condition essentielle si l’on veut préserver les preuves présentes sur le site. L’identification d’un mécanisme d’altération particulier pourrait conduire à de nouvelles aides dans le domaine de l’entretien des installations.Les aspects ci-dessus sont d’abord abordés individuellement, puis traités dans une analyse plus complète et générale dans le chapitre final, où ils sont descendus dans le cadre historique et économique de la Campanie de l’époque romaine. Cette section analyse en détail les problématiques liées à l’identification des lieux de carrière et celles inhérentes au transport des matériaux de construction. L’évolution de l’utilisation du TGN est ainsi contextualisée à l’intérieur des grands événements historiques, sociaux et politiques qui ont pour toile de fond le golfe de Naples et les villes qui l’entourent. La présence du port annonario de Pozzuoli, les interventions de l’époque augustéenne dans toute la Campanie et en particulier dans la région phlégréenne, le tremblement de terre de 62/63 ap. J.-C., ne sont que quelques-uns des moments de l'"histoire" racontée par les auteurs antiques qui se croisent de manière indissociable avec les petits événements économiques et commerciaux liés à un seul matériau de construction, le TGN.L’attestation avec une sécurité suffisante de l’utilisation de ce lithostype particulier de la Campanie dans la ville de Pompéi est soutenue sur plusieurs fronts. Les liens entre la zone d’extraction du TGN, à savoir les Champs Phlégréens et la zone au nord de Naples, avec la ville du Vésuve sont multiples et l’hypothèse d’un commerce, volontaire ou non, de ce matériel constructif est désormais confirmée. Les premiers échanges commerciaux entre Pompéi et la zone phlégréenne ont permis de faire entrer dans la ville les premiers blocs de TGN dès le IIe siècle avant JC, avec une utilisation qui augmente de plus en plus surtout au cours de l’époque augustéenne et de la période pré-sismique. La présence de matériaux de construction sur place (lave, cruma et travertin, communément appelé calcaire du Sarno) ont depuis toujours influencé le développement des techniques de construction pompéiennes : l’arrivée du TGN ne modifie pas ces traditions, Mais on va les insérer à l’intérieur, en étant employé sous des formes différentes de ce qui se passe dans l’aire de sa provenance. Bref, il y a une hybridation des techniques de construction, entre tradition locale et innovations techniques. Dans la zone flegrea et napolitaine en effet, la présence de cette pierre hautement ouvrable et facilement extractible a conduit depuis l’antiquité à un développement de techniques de construction qui prévoyaient une coupe des matériaux en pierre très bien définie et structurée. Pour la première période, jusqu’à l’âge d’Auguste, il n’est en effet pas possible de faire une comparaison technico-constructive ponctuelle entre Pompéi et la zone phlégréenne et on remarque que le TGN est adapté aux modalités de construction pompéienne.Avec l’âge d’Auguste, on assiste à l’introduction de quelques variantes techniques de construction qui sont possibles grâce à la facilité de coupe du TGN, mais aussi de l’IC qui est l’autre matériau tuf répandu à Pompéi. La tradition de construction pompéienne reste cependant bien présente dans les parties relatives aux parements des structures, tandis que les innovations se concentrent surtout au niveau des chaînes angulaires et des limites d’ouverture. L’arrivée du TGN n’est pas encore aussi massive et, comme pour les premières attestations, il semble que le TGN ne fasse pas encore l’objet d’un véritable commerce, à quelques exceptions près par exemple sur le chantier des Thermes Suburbains (VII 16, a). Innovant, par rapport à la réalité phlégréenne apparaît l’utilisation de la brique en association avec le TGN, pratique qui se répand dans les Camps Phlégréens précisément à l’époque d’Auguste, mais pas encore aussi massive que celle de Pompéi, où l’utilisation de matériaux factices dans les éléments structurels et pas seulement dans les couvertures, est certainement antérieure. Au cours du Ier siècle après J.-C. la situation commence à évoluer et peu à peu on arrive à avoir une utilisation du TGN dans les formes qui étaient répandues et présentes aussi dans la zone phlégréenne. On commence à abandonner un peu les matériaux de construction locaux, pour préférer des structures réalisées en pierre de taille, qui permettent une mise en œuvre d’éléments bien définis et de manière plus ordonnée. L’afflux important d’IC fait penser à une utilisation du TGN en tant que pierre touffue facile à travailler, donc encore sujette à une arrivée dans la ville qui ne résulte pas d’un véritable commerce. Même à cette époque, quelques chantiers, en relation plus étroite avec la zone phlégréenne, commencent à utiliser le TGN en plus grande quantité, mais il s’agit toujours de cas sporadiques (Maison de M. Fabio Rufo (VII 16, 17.21-22); Thermes suburbains (VII 16, a).C’est avec la période post-sismique qu’on assiste à un afflux massif de TGN à Pompéi. Les besoins de construction rapide et de matériel pour assainir la ville frappée par le séisme de 62/63 après J.-C. ont influencé cette accélération dans l’importation de TGN. Il y a de nombreux chantiers où il est utilisé comme principal matériau de pierre de construction et souvent en association avec des éléments factices de type B, également importés et rapides à mettre en œuvre, produits probablement aussi dans des zones où le TGN était extrait. Les techniques de construction qui prévoient l’utilisation d’éléments en TGN sont vraiment nombreuses, mais même pour cette phase on ne peut pas trouver des comparaisons serrées avec la zone flegrea et napolitaine, ni avec la zone romaine, où les matériaux constructifs avaient la même nature. La situation d’urgence dans laquelle se trouvait la ville de Pompéi a conduit une fois de plus à un développement et à l’utilisation de solutions techniques de construction spécifiques à cette ville et qui pouvaient répondre à des critères de plus grande stabilité des structures, nécessaires dans un territoire où les secousses sismiques étaient plus ou moins intenses.Comme prévu, l’étude du TGN à Pompéi a permis d’aborder d’autres problématiques qui lui sont liées. Certaines devront certainement être approfondies par des études plus spécifiques, mais leur examen a déjà donné des résultats intéressants. Certains éléments structurels ont été identifiés qui sont allés à confirmer l’hypothèse déjà présente d’un second fort séisme qui frappe Pompéi entre 62/63 et 79 ap. J.-C., en relation directe avec les tremblements de terre, les reconstructions et les réfections ont également permis de comprendre que bon nombre des structures dans lesquelles le TGN est utilisé après les séismes sont des bâtiments construits dans des contextes très vulnérables du point de vue sismique. Enfin et surtout, un phénomène d’altération des structures a été constaté des structures très particulières, rencontrées jusqu’à présent uniquement à Herculanum, qu’il conviendrait d’enquêter plus à fond, surtout en raison de leurs implications pour la conservation du patrimoine archéologique pompéien.Le travail de recherche est accompagné de quelques appendices relatifs à un aspect important sur plusieurs fronts qui est celui relatif aux restaurations des structures; une section dédiée à des fiches récapitulatives sur les aspects techniques présentés dans le chapitre final; une autre section est consacrée aux fiches d’échantillonnage. Le catalogue, vu le grand nombre d’éléments analysés et donc de fiches, est utilisable en édition numérique, selon les indications présentes dans le guide de consultation.