25 juin 2015
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Diane Bracco, « Anatomie de l'outrance : une esthétique du débordement dans le cinéma espagnol de la démocratie », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.dvww2d
Un certain nombre de films réalisés après la mort du dictateur Franco et l’entrée de l’Espagne dans la postmodernité témoignent d’une indéniable prédilection de certains cinéastes espagnols pour l’excès et le débordement. Des noms tels que Pedro Almodóvar, Bigas Luna, Álex de la Iglesia, Santiago Segura ou Juanma Bajo Ulloa, entre autres, s’imposent à l’esprit lorsqu’on s’interroge sur l’impression d’outrance qui émane d’une partie de la production cinématographique de la démocratie. Le présent travail a pour ambition d’explorer les mécanismes et les enjeux de l’outrance, à travers un corpus réunissant plusieurs longs-métrages de ces cinq réalisateurs. Pierre angulaire d’un cinéma qui déforme et dissout toutes les frontières, cette notion, à première vue difficile à saisir, sera envisagée comme véritable concept esthétique, fondé sur les principes du franchissement et de la distorsion. C’est en particulier autour du corps, constamment manipulé, déformé, voire disséqué, qu’elle se polarise : aux épanchements des organismes de chair et aux débordements du corps social dans les différents univers fictionnels, répondent, chez chaque cinéaste, les migrations et réélaborations textuelles qui se jouent au sein du corps filmique. Ces opérations de métamorphose référentielle relèvent d’un processus de recyclage éminemment postmoderne, qui suppose l’hybridation de matériaux provenant tout autant de la tradition espagnole que de la culture mondialisée contemporaine. Voie d’expression d’une « espagnolité » soumise aux logiques transformatrices de la postmodernité, l’outrance apparaît comme une esthétique qui tend définitivement à brouiller les frontières, à tel point qu’elle finit même par franchir celles du film pour contaminer la périphérie extracinématographique.