2019
Cairn
Valentina Zagaria et al., « « Une petite histoire au potentiel symbolique fort ». La fabrique d’un cimetière de migrants inconnus dans le sud-est tunisien », Critique internationale, ID : 10670/1.dwtkdf
Tandis que la soi-disant « crise des réfugiés » touchait l’Europe à partir de l’été 2015, des journalistes, des chercheurs, des réalisateurs, des photographes et des militants en majorité européens ont convergé vers la ville côtière tunisienne de Zarzis. Tous souhaitaient témoigner de l’existence d’un lieu de sépulture mis en place pour les victimes des frontières de l’Union. Tous ont été accueillis par des acteurs locaux, et en particulier par un ancien pêcheur du nom de Chamseddine, qui s’occupe de ces enterrements depuis des années. Présenté à travers l’engagement charitable d’un homme cherchant à offrir un peu de dignité aux personnes mortes à la frontière liquide de l’Union, ces récits construisent le cimetière comme un lieu incarnant à la fois les effets mortels des politiques migratoires européennes et la compassion des citoyens ordinaires face à l’horreur. Différents groupes et individus se sont également organisés pour apporter une aide matérielle au cimetière. Dans cette étude fondée sur un travail ethnographique mené à Zarzis entre 2015 et 2017, je m’intéresse aux actes conceptuels et pratiques de fabrique du cimetière qui l’ont transformé en symbole, suscitant des discours moraux et politiques d’empathie et d’espoir, mais également de culpabilité et de responsabilité, qui mettent en lumière les héritages coloniaux et néocoloniaux de la « crise des réfugiés ».