1 décembre 2020
Axelle Croisé, « L'invisibilité des cancers professionnels en Seine-Saint-Denis : déconstruire une absence sociale de risque à l'aune du recensement et des transformations des lieux d'activités délétères », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.dypm5e
Cette thèse a pour objectif de déconstruire l’invisibilité du risque cancéro-professionnel en Seine-Saint-Denis, soit celui de perdre sa santé à la suite de l’apparition d’un cancer d’origine professionnelle. Invisible, le risque est sous-estimé dans le département, alors qu’il détient des taux de mortalité par cancer parmi les plus élevés d’Île-de-France. Les liens entre l’agressivité de ces pathologies et l’histoire industrielle du département sont mis à jour par une géohistoire de son industrialisation. Il apparaît que la pathogénicité des sites d’activité est une caractéristique historique acceptable de la fabrique territoriale, générant aujourd’hui des cycles perpétuels d’exposition environnementales et professionnelles. Des anciens lieux pathogènes continuent d’exposer leurs usagers, même après l’arrêt de leurs activités. Ces cycles sont favorisés par l’invisibilité des sites et de leur caractère pathogène. La désindustrialisation fait disparaître les lieux d’activité, tandis que les conditions de conservation de leurs archives et la patrimonialisation sélective de l’histoire industrielle appauvrissent la mémoire des activités pathogènes. Les bases de données industrielles, censées combler ces lacunes, manquent d’exhaustivité et ne lient que rarement des activités (même passées) à leurs impacts. Enfin, l’invisibilité du risque structure même les initiatives qui tentent de la briser. Les données du GISCOP 93 sur les cancers d’origine professionnelle sont soumises à confidentialité, tandis que les actions locales de riverains dénonçant la pathogénicité d’un site se centrent sur le risque cancéro-environnemental par manque d’emprise sur celui professionnel.