Historicisation et patrimonialisation du traité des courbes de Gabriel Cramer par les encyclopédies et dictionnaires en langue française (XVIIIe-XXe siècles)

Résumé Fr En

L’ Introduction à l’analyse des lignes courbes algébriques de Gabriel Cramer, paru en 1750, a tout de suite bénéficié du soutien de D’Alembert qui l’a inclus dans les références bibliographiques de ses articles de mathématiques de l’ Encyclopédie portant sur les courbes. Ainsi choisi et légitimé par l’entreprise encyclopédique et ses reprises ( Yverdon, Méthodique), l’ouvrage de Cramer devient objet patrimonial au tournant du xixe siècle pour les mathématiciens, amateurs, professionnels ou enseignants qui travaillent sur les courbes algébriques. Le suivi sur le temps long des mentions de l’ Introduction dans les encyclopédies, dictionnaires ou histoires des mathématiques en langue française, ainsi que dans quelques textes d’enseignement, nous permettra de comprendre que ce processus de patrimonialisation n’induit pas sa conservation, sa protection, sa valorisation à de seules fins mémorielles, en figeant l’ouvrage dans un passé immuable. Au contraire, il permet une historicisation critique de la part des acteurs qui les met en position d’interroger et de réactualiser les connaissances et les pratiques que l’œuvre contient, au gré des mouvements d’émergence, de réorganisation et des spécialisations des savoirs mathématiques, quitte à en oublier certains aspects pour en mettre de nouveaux en valeur.

Gabriel Cramer’s Introduction à l’analyse des lignes courbes algébriques, published in 1750, was immediately supported by D’Alembert who included it in the bibliographical references of his mathematical articles on curves in the Encyclopédie. Cramer’s work was thus chosen and legitimized by the encyclopaedia and derived works ( Yverdon, Méthodique) and became a patrimonial object at the turn of the 19th century for mathematicians, amateurs, professionals or teachers who work on algebraic curves. The continuing references over time to the Introduction in encyclopaedias, dictionaries or histories of mathematics in French as well as in some teaching texts will allow us to show how this process of patrimonialization does not lead to its conservation, protection or valorization for memorial purposes only by freezing the work in an immutable past. On the contrary, it allows for a critical historicization by the actors involved. This puts them in a position to question and update the knowledge and practices the work contains according to the movements of emergence, reorganization and specialization of mathematical knowledge, even if this involves forgetting some aspects of the work to highlight new ones.