2005
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Bernard Chevassus-au-Louis, « Les enjeux de la biodiversité animale », Bulletin de l'Académie Vétérinaire de France, ID : 10.4267/2042/47758
L’introduction et le succès du terme «biodiversité» a concrétisé plusieurs évolutions récentes dans notre perception et notre compréhension de la diversité des êtres vivants. Nous évoquerons dans cette présentation trois aspects de ces évolutions, en nous concentrant plus particulièrement sur la biodiversité animale : -l’ampleur insoupçonnée de la diversité spécifique. On évalue aujourd’hui, par des méthodes indirectes, le nombre d’espèces animales à plus de 10 millions, l’essentiel étant constitué d’invertébrés de très petite taille. Or, après trois siècles d’activités des zoologistes, seul 1,3 million d’espèces animales sont aujourd’hui recensées et environ 10 000 espèces nouvelles sont décrites chaque année. Cette «nouvelle frontière» oblige donc à repenser les stratégies d’exploration de la biodiversité. Outre cet effort d’inventaire, les systématiciens ont développé, avec la cladistique, des méthodes permettant une véritable classification phylogénétique du vivant, qui ont notamment bouleversé la classification des vertébrés. -L’existence d’autres niveaux d’organisation que celui de la diversité des espèces, niveaux dont la connaissance apparaît nécessaire pour comprendre et mieux gérer la biodiversité. La diversité intraspécifique, dont l’analyse a été jusqu’à récemment trop limitée aux espèces domestiques, peut maintenant être décrite dans toutes les espèces par les marqueurs moléculaires et sera bientôt enrichie par les possibilités de séquençage de portions du génome. Au niveau supraspécifique, la diversité des biocénoses et des écosystèmes mérite un double effort, d’inventaire d’une part, en particulier sur les «points chauds» de la biodiversité, de compréhension d’autre part, l’importance de cette diversité vis-à-vis du fonctionnement des écosystèmes restant en grande partie à documenter. -La perception d’une érosion forte de cette biodiversité sous l’action des différentes activités humaines. Nous présentons les différentes approches permettant de mesurer cette érosion et de la comparer aux taux d’extinction passés, estimés par les paléontologues. Les causes de cette érosion sont ensuite évoquées : surexploitation, destruction des habitats, introduction d’espèces. En prenant l’exemple de la pêche industrielle, nous insistons sur le fait que les impacts indirects et non intentionnels jouent sans doute un rôle plus important que les impacts directs, d’où l’échec des modes de gestion focalisés exclusivement sur les espèces exploitées. Enfin, nous analysons les conséquences possibles des changements climatiques annoncés pour le 21e siècle. Nous montrons que notre connaissance des différents modes d’adaptation de la biodiversité est aujourd’hui très limitée, en particulier si la question à résoudre n’est pas «la biodiversité peut-elle s’adapter ?» mais «les adaptations qui vont se réaliser seront-elles ou non favorables à la vie humaine ?» .