2015
Cairn
Sébastien Hallade, « Aux frontières de la littérature et de la politique : les feuilletonistes Alexandre Dumas, Paul Féval et Eugène Sue sous la Deuxième République, des écrivains transgressifs ? », Sociétés & Représentations, ID : 10670/1.e70c0d...
Alors que la presse politique est totalement libérée au début de mars 1848, le feuilleton, et plus précisément le roman feuilleton, continue d’occuper le rez-de-chaussée de nombreux journaux, plus ou moins éphémères, voire d’apparaître en pleine page. En s’appuyant sur l’exemple du « triumvirat du roman feuilleton » sous la monarchie de Juillet – Alexandre Dumas, Paul Féval et Eugène Sue –, il s’agit d’analyser comment la nature, la forme et le contenu du roman feuilleton, le statut de romancier feuilletoniste servent le projet et les idées politiques des trois écrivains, ces derniers étant symptomatiques de la politisation des écrits et de la volonté des écrivains d’affirmer leur légitimité politique sous la Deuxième République. Toutefois leur légitimité culturelle, face aux accusations de corruption de la littérature et du journalisme, étant elle-même en question, leur légitimité politique, face aux accusations de dénaturation de la politique, devient aussi sujette à caution. Élites culturelles et élites politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite, se rejoignent dans un discours mettant en avant la nécessité d’une police des mœurs, qui se traduit par des listes d’ouvrages considérés comme non dangereux pour les éternels mineurs du xixe siècle, les nouveaux lecteurs que sont les ouvriers, les femmes et les enfants. Pour autant, malgré l’apparition de journaux à un sou, des changements typographiques et d’organisation de la presse périodique, les romanciers feuilletonistes peinent, au milieu du xixe siècle, à dépasser le cadre d’un public urbain et bourgeois. La condamnation, à travers la taxation du roman feuilleton à l’été 1850, juste après l’élection d’Eugène Sue à l’Assemblée nationale, par un pouvoir républicain de plus en plus conservateur, traduit alors avant tout la peur et la croyance des élites en l’influence de la littérature contemporaine sur les mœurs.